Courts métrages de Chris Marker

Entrent dans la catégorie "courts métrages" les films de moins de 52 minutes (même si en 1962, un court métrage ne dépassait pas 45 minutes, en 1963, la durée a été augmentée à 58 minutes d'après Luc Moullet) et qui sont réalisés par Chris Marker, à l'exception des courts métrages proposés sur la chaîne Youtube de Kosinki, ainsi que les courts métrages intégrés à l'installation de Chris Marker, Zapping Zone.
Ces courts métrages sont proposés ici dans l'ordre chronologique.
Par ailleurs, les films collectifs et les co-réalisations, courts ou longs métrages, font l'objet de catégories distinctes.

La fin du monde vue par l'ange Gabriel

1946ca - France - n/a - 8 mm - n/a
Avant de participer à l'aventure des Statues meurent aussi  et de réaliser Dimanche à Pékin, Chris Marker a tourné plusieurs films en Super 8 dont on ignore tout et qu'il a toujours refusé de montrer, plus encore que ses "brouillons" à venir. Cependant, Alain Resnais, dans une interview accordée à Birgit Kämper et Thomas Tode, revient sur cette période et parle notamment de ce premier court métrage de Chris Marker.

"Mi ricordo il suo primo film, che mi mostrò nella sua casa a Ville d'Avray [ndlr. banlieue ouest de Paris]. Se non sbaglio, il titolo era La Fin du monde vue par l'ange Gabriel. Era composto da una serie d'immagini a tratti irriconoscibili. Intenzionalmente non le aveva messe a fuoco e nel film faceva ricorso anche ad altri effetti del genere. Ma il testo e le musiche erano coinvolgenti e il film mi colpi molto. Non so se Chris se lo ricorda."

Kämper et Tode rapprochent ce film de La fin du monde filmée par l'ange N.-D., soit Notre-Dame, de Blaise Cendrars, texte paru en 1919, aux éditions La Sirène.1
Or, ce film, dont on ne sait rien de plus, devrait être rapproché en fait du tout premier texte de Marker publié dans la revue Esprit  en mai 1946, sous le pseudonyme alors de Chris Mayor et intitulé Les vivants et les morts.2

Générique n/a

Distribution: non distribué (pas de copie existante connue)

Commentaire / scénario: non édité

Notes et Bibliographie
1 Interview d'Alain Resnais par Birgit Kämper et Thomas Tode éditée dans "Rendez-vous des amis: Ivens, Semprun, Klein, Lorin, Forlani, Resnais", in Birgit KÄMPER / Thomas TODE (dir.), Chris Marker, Filmessayist, Munich: Institut Français / CICIM, 1997, p. 207; tradution: (IT) in Bernard EISENSCHITZ, Chris Marker, Festival de Pesaro 1996, Rome: Dino Audino Editore, 1996, p. 46, et (GB) in Catherine LUPTON, Memories of the future, Londres: Reaktion Books, 2004, p. 220, n. 21
2 Chris MAYOR, "Les vivants et les morts" Esprit, n° 122 (05/1946), p. 768-785 (PDF)

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Concours de rêve: La clé des songes

1954-1955 - France - 13' - 16 mm - N&B
De même que pour La Fin du monde vue par l'ange Gabriel, c'est Alain Resnais qui mentionne ce film réalisé par Chris Marker pour la télévision. Dans son interview à Kämper et Tode, il précise:

"Marker aveva iniziato una serie per la televisione francese, il cui titolo era forse La Clé des songes, ma non ne sono sicuro. L'idea comunque era d'invitare il pubblico a inviarci suoi sogni et noi li avremmo messi in scena. Partecipai a un episodio come operatore et montatore, ma Marker aveva già realizzato un episodio in precedenza, mi sembra. Mi ricordo che il lavoro non fu facile. Giravamo con l'invertibile. C'era dunque soltanto una copia e al momento di montare non ci si poteva permettere di sbagliare. Una parte era stata girata nella mia camera da letto, altre scene nel parco di Saint-Cloud. Gli interpreti erano Françoise Prévost, un'attrice tuttora eccellente, e Gilles Quéant, un nome molto noto all'epoca. Eravamo agli inizi della televisione. C'era soltanto la diretta e, per risparmiare, il commento fu letto da Sylvain Dhomme durante la transmissione del film. Dhomme era stato il primo a portare Ionesco sulle scene in Francia. Tutto dunque era in diretta. Il testo di Marker terminava con une seduta di psicoanalisi, dove una battuta nel sogno diceva: "La psicoanalisi non esiste e neanche la televisione francese." Sulle parole era montato l'ingresso dell'edificio della televisione in rue Cognac-Jay. Lo si considerò un attaco alla televisione francese, ma non credo che questa fosse l'intenzione di Marker. Da quel momento comunque fu deciso di sottoporre tutti i testi, prima della transmissione, al controllo di una commissione. In questo senso si può dire che Marker è stato all'origine dell'introduzione della censura alla televisione francese. Per quanto ne so è stato anche l'ultimo episodio della serie."1

A noter que Marker avait collaborer avec Sylvain Dhomme, en 1949, pour préparer des émissions de radio sur Paris-Inter.
Quant à Gilles Quéant, il prêta sa voix pour Dimanche à Pékin, réalisé dans ces mêmes années par Marker, ainsi que pour Les hommes de la baleine (1956) de Mario Ruspoli, film dont Marker écrivit le commentaire.
Reste à savoir, si ce titre est le bon et si c'est le cas, s'il doit être rapproché de La clé des songes (1930) de René Magritte.
En mars 2017, Christine van Assche (que nous remercions vivement ici), membre du comité scientifique attaché aux archives Chris Marker rachetées par la Cinémathèque française, nous a transmis quelques informations utiles concernant ce film. Selon l'INA, "ce document (matériel muet) est très probablement issu d'une série tournée pour la télévision française par Chris Marker en 1950, d'après les souvenirs d'Alain Resnais. Dans Radio TV, il est écrit "Concours de rêve". Il y aurait 4 autres parties. Au générique, selon Resnais: réalisation - scénario: Chris Marker, montage et caméra: Alain Resnais, voix off: Sylvain Dhomme, interprètes: Françoise Prévost...".
Christine van Assche précise encore "nous avons trouvé depuis sur un document papier: 2 x 13,5. Date 1950. 3 réalisateurs: Chris Marker, Jean Kerchbron et Charles Serpinet; actrice principale: Claudine Ferrer". 

Les archives numériques florissant sur le Web, nous avons pu trouver un article paru le 30 décembre 1949 dans le journal suisse La sentinelle  et intitulé "Les perspectives françaises de la télévision", qui décrit le processus de réalisation de l'émission de télévision "La clé des songes" et dont voici le contenu:

Générique (d'après Alain Resnais, INA, Radio TV et archives Chris Marker)
réalisation - scénario: Chris Marker, Jean Kerchbron, Charles Serpinet
montage et caméra: Alain Resnais
voix off: Sylvain Dhomme
interprètes: Claudine Ferrer, Françoise Prévost et Gilles Quéant

Distribution: non distribué (4 épisodes de la série conservés à l'INA, muets car le son était alors en direct)

Commentaire / scénario: non édité

Notes - Bibliographie
1 Interview d'Alain Resnais par Birgit Kämper et Thomas Tode éditée dans "Rendez-vous des amis: Ivens, Semprun, Klein, Lorin, Forlani, Resnais", in Birgit KÄMPER / Thomas TODE (dir.), Chris Marker, Filmessayist, Munich: Institut Français / CICIM, 1997, p. 208-209; traduction: (IT) in Bernard EISENSCHITZ, Chris Marker, Festival de Pesaro 1996, Rome: Dino Audino Editore, 1996, p. 47

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Un fichu métier

1955? - France - n/a - n/a - N&B
Les Archives françaises du film (AFF), dépendantes du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), attribuent ce film à Chris Marker et le date de 1955. Elles en donnent également le résumé suivant:

"Directeur d'usine est un métier difficile. C'est ce que démontrent Maurice Teper et ses collaborateurs à travers un jeu de rôle. La scène a pour cadre une réunion provoquée d'urgence par le directeur d'une usine de construction métallique qui a reçu la demande de son principal client d'augmenter la cadence de livraison de 30 % et de baisser de 10 % le prix de façonnage des châssis qu'elle fabrique pour eux. Dubosse, le directeur, invite ses collaborateurs - Conti le comptable, Ferrand le chef d'atelier, Mesure l'agent des méthodes, Ventout le chef des ventes, à réfléchir aux moyens de faisabilité et à proposer des solutions qui permettront de conserver leur client. La discussion est animée, les antagonismes parfois exacerbés. Finalement, Dubosse décide de répondre positivement aux exigences du client et demande à tous de faire de leur mieux et de s'entendre. La scène terminée, Maurice Teper propose aux spectateurs de jouer à leur tour, de relever les erreurs des protagonistes et de trouver les remèdes."

Deux copies ont été retrouvées aux Archives du monde du travail (anciennement le Centre du monde du travail), sans pour autant être visionable. Elle provienne des Archives du groupe André Vidal & Associés (AVA).

"Fondé après la Seconde Guerre mondiale par des ingénieurs et universitaires soucieux de participer à l’effort de reconstruction et de renouveau de l’industrie française éprouvée par le conflit. [...] Son objet est de proposer une expertise et un accompagnement dans l’évolution technique et l’organisation des ressources humaines et sociales de l’entreprise. Le groupe cesse ses activités le 24 avril 1980 (liquidation judiciaire). Le personnel est licencié, les équipements et le mobilier dispersés ou abandonnés."


Photo: © Pavox films/coll. AFF-CNC

Groupe André Vidal & Associés (AVA) - 2005 029
(détail du fonds)

Générique (source AFF-CNC)
Réalisateur: Chris Marker
Scénariste: Maurice Teper
Comédiens: Maurice Teper, André Albingre, Antoine Hoffmann, Edouard Jacquemin, Jacques Lanoux, Janine Rousvoal
Société de production: Pavox-Films
Commenditaires: Organisation Paul Planus
Distribution: Paul Paviot - AFF / AVA - AMT

Commentaire / scénario: non édité

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Dimanche à Pékin

1956 - France - 18'20 - 16 gonflé 35 mm - Couleur
A l'origine du voyage, Claude Roy1, journaliste, écrivain, ancien résistant et communiste2, amateur de Giraudoux et qui venait lui-même de faire un voyage en Chine, décrit dans ses livres Premières clefs pour la Chine  (1950), Clefs pour la Chine  (1953) et La Chine dans un miroir  (1953). En 1954, est créée l'association des Amitiés Franco-Chinoises, liée au PCF, qui organisera le voyage d'une délégation invitée en Chine pour le VIe anniversaire de la République populaire, voyage qui se tiendra du 17 septembre au 3 novembre 19553. Les membres de cette délégation des Amitiés Franco-Chinoise, les quelques "amis" de la revue Esprit, sont Paul Ricoeur, Armand Gatti, René Dumont, Michel Leiris, Jean Lurçat et Chris Marker. Le but: redécouvrir la Chine, pays en pleine mutation révolutionnaire, méconnu et non reconnu. Et la découverte est grande. La révolution chinoise apporte le progrès technique, renversement d'un régime féodal décadent. Aucune concession, le progrès avant tout, au risque de l'arbitraire et de l'injustice, à tel point que la délégation y voit "des chances pour que tout le monde asiatique, africain et sud-américain recoure au communisme pour opérer sa révolution technicienne." On n'est pas encore au temps de la Révolution Culturelle qui mettra un terme définitif à une vision idyllique, si facilement critiquable a postériori, mais à celui d'un rêve positif plein d'espoir, au premier plan de la renaissance de tout un peuple autorisé enfin à sortir des ténèbres de la misère. Il est si facile de revoir l'Histoire une fois que celle-ci est écrite.
Pour comprendre la structure, ou plutôt le style, que Marker va donner à Dimanche à Pékin  et aux suivants, il faut bien tenir compte du fait que jusque là, Chris Marker, ou plutôt Christian Bouche-Villeneuve, de son vrai nom, est essentiellement un écrivain, auteur d'un roman, Le coeur net (1949), d'un essai remarqué sur Jean Giraudoux (1952), de quelques traductions et de nombreux articles pour l'essentiel parus dans la revue Esprit. Il travaille également comme éditeur aux éditions du Seuil, où il créé une nouvelle collection de guides touristiques: "Petite planète", dont le premier numéro paraît en 1954. Cette collection connaît immédiatement un immense succès. La raison: en opposition au sérieux des guides traditionnels, tels le Bædecker ou le Guide bleu, la collection dirigée par Marker est peuplée d'anecdotes. Le texte anticonformiste mêle avec brio humour et données concrètes. Dessins et cartes géographiques suivent le mouvement. Ainsi, le guide n'est plus source aride d'informations utiles, mais devient plaisir de lecture. D'une manière très schématique, mais néanmoins réelle, les films de Chris Marker des quinze années à venir ne sont au final qu'une version cinématographique des guides " Petite planète ".
Plus encore, les biographes et spécialistes de Marker considérant essentiellement ses films, en oublient les écrits du "jeune" réalisateur, et en particulier ses recensions, relèguées aux oubliettes des "oeuvres" de jeunesse. Et pourtant... Et pourtant l'une d'entre elles est essentielle pour comprendre ce qui apparaît avec Dimanche à Pékin et qui deviendra le style markerien. Cette recension parue dans le numéro d'octobre 1946, sous le pseudo de Chris Mayor (Chris Marker avait alors 25 ans) porte sur un livre de Pierre Schaeffer, intitulé Amérique nous t'ignorons (1946).

"Parvenu au bout de ce second voyage en Amérique qu'a été pour lui la rédaction de son livre, M. Schaeffer est pris de scrupules plus vifs qu'à son retour. Est-il décent, se demande-t-il, de livrer aux lecteurs des jugements aussi personnels sur un pays que l'on a mis tout juste six mois à parcourir? A vrai dire, j'ignore le temps que M. Duhamel, par exemple, a mis à étudier les Etats-Unis. Je voudrais bien le savoir, cela me permettrait une comparaison précise à l'appui de mon éloge. Mais de toute façon, je pense que l'intelligence de l'Amérique et de son esprit n'a qu'un rapport très lointain avec le temps passé à l'étudier, et dépend d'un tout autre élément, que faute de mieux j'appellerai le sens de la différence. Est-ce contamination de l'imagerie américaine évoquée par M. Schaeffer, mais je ne puis m'empêcher, en le voyant batifoler à l'écart des consignes officielles du "journaliste à l'étranger", de songer à ces familles d'animaux de Walt Disney où un petit dernier passe son temps à quitter la file, et à suivre toutes les tentations animales, végétales ou minérales. Peut-être est-ce d'avoir fait la traversée dans les locaux disciplinaires d'un liberty-ship (un heureux accès de sagesse de l'armée américaine ayant rendu disponibles ces locaux pour le transfert d'une équipe de journalistes français), que M. Schaeffer, à peine débarqué, a été pris d'un si furieux désir d'école buissonière. En tout cas, rien dans son livre qui sente la caravane, les réceptions et les tournées de propagande. Peu de statistiques. Pour ainsi dire pas de "politique": mais des couleurs. Des sons. Des gens, rencontrés au hasard. Il est très documenté sur le board de l'essence, mais c'est parce qu'il a eu une panne. Il découvre les liens profonds unissant vendeurs et marchands de costumes, mais sa coquetterie en est la cause. Il flâne, il discute avec les mille M. Truman qui peuplent l'Amérique. (...) Et de tout cela sort un tableau de l'Amérique qu'aucun sociologue, aucun historien, aucun reporter n'aurait pu faire si vivant. Il faut bien que M. Schaeffer ait été choisi par les dieux qui président à la légende des Etats-Unis, puisque même ses erreurs le servent. (...) Même si la cité future, de par la rapidité des communications, tend à être composée d'immenses constructions basses et étirées, ce qui rendra le gratte-ciel aussi démodé qu'un boudoir Louis-Philippe, il n'en reste pas moins une fort belle interprétation de la troisième dimension de l'Amérique, que nous n'aurions pas eue sans cette divinisation du Building. (...) Admirons donc cette disposition bénéfique qui veut que par l'intervention d'une espèce de vertu poétique, l'erreur se transmute en vérité, et qu'une promenade sans apprêt à travers les Etats-Unis devienne la plus fidèle reconstitution de leur corps et de leur âme.
C'est que M. Schaeffer sait distinguer les choses sérieuses des balivernes. Il nous parle peu de politique, presque pas de littérature et pas du tout de philosophie, parce que ce sont là détails négligeable. Mais il nous parle d'Orson Welles, du lait pasteurisé, des cinémas pour automobiles et de Coney Island. Et de même que le mouvement zazou aura mille fois plus d'importance que l'existantialisme pour l'explication de notre époque, c'est par cette mythologie quotidienne de la rue, du cinéma, de la radio, que M. Schaeffer nous fait toucher la véritable profondeur de l'Amérique. Quel courage ne faut-il pas à un écrivain européen pour oser dire cette phrase inoubliable pour tous ceux qui ont connu et aimé l'armée américaine: "Le lait en boîte, le paquet de Chesterfields, le disque, les magazines, sont les sacrements du soldat américain". Et ainsi les dieux reviennent sur la terre. Et nous qui les avons renvoyés depuis longtemps au ciel, nous retrouvons le totémisme à l'autre bout de la route.
M. Schaeffer a un autre mérite en l'occurrence, c'est de ne pas trop se souvenir de sa formation mathématique et de nous épargner ces brillantes analogies qui ont frappé d'admiration et de terreur plus d'un congressiste de Jouy-en-Josas. (...)
Le livre, très habilement, tout en évitant l'ordre chronologique, épouse cependant les trois phases de la réflexion de l'auteur: enthousiasme au début, enthousiasme à base de couleur de cravates, de jambes de filles, de petits déjeuners catapultés et de chanteurs de radio (...), lassitude au bout d'un certain temps, parce que trop de ressemblances, trop de nivellement, trop de satisfaction - et, au retour, entre la joie et le dégoût, cette espèce de lancinement d'amours perdues qu'il exprime très bellement: "New York aux beaux soirs de soie grège / Mon coeur se serre à tes boulons".
Est-ce conclusion? Non point. Très astucieusement, la conclusion s'adresse à la France, et le voyage s'achève en famille. Il reste posé ce problème, le plus grave peut-être, du bonheur à la mesure humaine. (...)"4

Il est difficile de dire à l'heure d'aujourd'hui si ce livre fut le catalyseur ou s'il correspond à "l'air du temps", mais il est indéniable que sa structure ait eu un impact sur Marker et peut-être même indirectement (ou directement) sur le travail de François Reichenbach, en particulier ses courts métrages sur les États-Unis et son Amérique insolite (1958), sortie la même année que Lettre de Sibérie  et dont le commentaire, rappelons-le, est aussi de Marker.

Quoiqu'il en soit, le résultat de ce voyage en Chine se traduit pour Esprit  par quatre articles et le premier et dernier portfolio de la revue5, réalisé par Chris Marker et intitulé Clair de Chine. En guise de carte de voeux, un film de Chris Marker. Au dire de Paul Paviot6, Clair de Chine était le titre original du film Dimanche à Pékin. Scénariste et réalisateur, Paul Paviot fonde la société Pavox Films pour financer ses films qui ne trouvent pas de producteurs. À l'occasion d'une réunion de l'association française des ciné-clubs, il fait la connaissance de Chris Marker qui s'apprête à partir pour la Chine. Le courant passant bien, Paviot propose à Marker de lui fournir par l'entremise de Pavox Films une caméra 16 mm et de la pellicule kodachrome pour pouvoir tourner un film qu'il avait en tête. Ainsi est né Dimanche à Pékin. Présenté au deuxième Festival du court métrage de Tours, cet "album de souvenir" au commentaire si pregnant remporte le Grand Prix (100'000 anciens francs, soit environ 2'000 euros aujourd'hui)7 et assure dès lors une certaine notoriété à Chris Marker, mais plus encore ouvre une nouvelle voie dans le monde du documentaire, car il apporte pour la première fois un renouveau du rapport image-son, qui deviendra dès lors une des marques du cinéma markérien.
André Bazin écrira un article des plus éloquent à son sujet.

"Il faut le voir de toutes façons pour admirer au même programme l'exemple rigoureusement contraire d'un reportage idéalement commenté. Dimanche à Pékin de Chris Marker ne dure malheureusement que vingt minutes et la moisson d'images paraît mince à côté de celle de Pedrazzini. Mais l'image n'est pas ici limitée à elle-même. Sa valeur se développe dans deux dimensions supplémentaire, celles du montage et celle du commentaire. Plus exactement Dimanche à Pékin n'est pas le reportage commenté, si intelligemment que ce soit. Mais une oeuvre originale appartenant à la fois à la littérature, au cinéma et à la photographie. Une réalité neuve et moderne fondée tout autant sur le langage et le verbe que sur la force de l'image. (...) Dimanche à Pékin n'est ni un poème, ni un reportage, ni un film, ni une profession de foi historique ou plutôt il est l'éblouissante synthèse de tout cela. Chris Marker est allé en Chine et plus encore que [les] images qu'il a rapportées sur la pellicule, ce sont celles qu'il a enregistrées dans son esprit qui importent et méritent attention."8

Quant au portefolio, son sous-titre "en guise de carte de voeux, un film de Chris Marker" montre déjà à quel point les limites entre la photographie et le film sont ténues dans la pensée de Marker, telles qu'ont les retrouvera malmenées dans La jetée (1962), Si j'avais quatre dromadaires (1966) ou encore Le dépays (1982).

Pour la petite histoire, enfin, sur le plan financier, Pavox Films a produit le film, et ce n'est qu'après l'attribution du Grand Prix de Tours que, lors du retour sur Paris, dans le train, Anatole Dauman montra son vif intérêt à Paul Paviot et qu'Argos Films entra dans la production.

Lire notre texte écrit pour le livret DVD et paru dans le dossier de presse de "Planète Marker" (Tamasa - 2013 /  web).
À noter que, dans ce dossier de presse, les textes de Dimanche à Pékin  et de Lettre de Sibérie  ont été modifiés, voire tronqués.

"Ce court métrage a été tourné en quinze jours, au mois de septembre 1955, au cours d'un plus large voyage en Chine organisé par les Amitiés Franco-Chinoises. Pékin fut choisi "parce qu'il faut savoir se limiter" (pourquoi, au fait?) et Dimanche parce que les conditions du tournage, le manque d'éclairage, le manque de temps, ne permettaient pas de faire apparaître avec assez de force un élément qui joue un certain rôle dans la Chine actuelle: le travail. Ce film a deux parrains: Claude Roy, qui fut à l'origine du voyage, et Paul Paviot, dont l'octroi d'un bon métrage de 16 mm kodachrome fut miraculeux, et décisif. Voilà pour les origines de Dimanche à Pékin. L'auteur y faisait preuve d'une méconnaissance grandiose des lois élémentaires de la photographie, mais le cœur y était, et comme dit Giraudoux quelque part, dans le sauvetage, c'est le sang-froid qui compte, pas la nage.
Ce film n'est pas, ne peut pas, ne veut pas être un essai-sur-la-Chine, entreprise qui demanderait plus de temps, beaucoup plus d'efforts et infiniment plus d'humilité. Les camarades à qui je l'ai projeté à Pékin en 1958, au cours d'un autre voyage, ont ri poliment. "Oui, oui, c'était tout à fait comme ça…" Signe des temps, de cette accélération du temps toute contenue dans la réponse du Syrien interrogé par Cinq colonnes à la une  après les évènements de Damas, et qui, voulant parler du gouvernement renversé depuis deux jours, commençait "Sous l'Ancien Régime…"

Chris Marker, Commentaires, Paris: Le Seuil, 1961, p. 29

Générique (début, dans l'ordre d'apparition)
"Ce film a obtenu le Grand prix du court métrage 1956"
Pavox Films et Argos Films présentent
Dimanche à Pékin
Visa de contrôle cinématographique n° 18-559
Un film de Chris Marker
Du Groupe des Trente
Musique de Pierre Barbaud
chef d'orchestre: Georges Delerue
récitant: Gilles Queant
monteuse: Francine Grubert
effets spéciaux: Arcady (groupe des XXX)
opérateur: Antonio Harispe
son: Studios Marignan
objectifs: Berthiot
Couleur par Eastmancolor
laboratoire: Eclair
conseil sinologique: Agnès Varda
producteur délégué: Madeleine Casanova-Rodriguez (groupe des XXX)
Grand Prix du court métrage de Tours 1956

Distribution: Tamasa (pour Argos Films)

Commentaire / scénario: dans Chris Marker, Commentaires, Paris: Le Seuil, 1961, p. 26-39 et Commentaires 1, Paris: Le Seuil, 1961, p. 7-23; extraits dans Cinéma 57, n° 14 (01/1957), p. 136-137

Notes
1 Voir ci-dessus le texte de Chris Marker tiré de Commentaire 1.
2 Il rompra avec la ligne du PCF, en 1956, à la suite de l'intervention soviétique en Hongrie, dans le cadre d'une déclaration également signée par Sartre et Roger Vailland.
3 À noter qu'en septembre-octobre, Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre voyagent en Chine, après un séjour en URSS. En 1957, Simone de Beauvoir publiera La longue marche  relatant son voyage en Chine. Alors que l'année précédente, la revue Les temps moderne  publie, en septembre, un numéro spécial intitulé "La Chine d'hier et d'aujourd'hui". Tout cela est bien avant le choc de la Révolution Culturelle.
Pour l'association des Amitiés Franco-Chinoises, voir ci-dessus le texte de Chris Marker tiré de Commentaire 1, et plus précisément lire la "Chronologie des maoïsmes en France, des années 1930 à 2010" dans lequel nous puisons les références ci-dessus mentionnées.
4 Chris Mayor, "Pierre Schaeffer: Amérique nous t'ignorons (ed. su Seuil)", Esprit, n° 126 (10/1946), p. 511-513
5 "Clair de Chine. En guise de carte de vœux, un film de Chris Marker", portefolio tiré à part de 12 p., en complément du dossier "La Chine, porte ouverte" comprenant 3 articles: "Certitudes et incertitudes d'une révolution" de Paul Ricoeur, "Prose pour Pékin" d'Armand Gatti et "Réforme agraire et collectivisation accélérée" de René Dumont (Esprit, n° 234 (janvier), p. 1-54), ainsi qu'un article de Paul Ricoeur, "Note critique sur Chine ouverte", paru dans un numéro plus tardif, Esprit, n° 239 (juin), p. 897-910.
6 Paul Paviot nous a gentiment accordé un long entretien téléphonique au sujet de ses relations avec Chris Marker, ce dont nous le remercions très chaleureusement ici.
7 La cinématographie française, n° 1'695 (12/1956), p. n/a
8 André Bazin, "Dimanche à Pékin", Radio cinéma télévision, n° 389 (30/06/1957), p. 45.

Bibliographie

  • (FR) n/a, Cinématographie française, n° 1'695? (1956), p. 8
  • (FR) François TRUFFAUT, "Renaissance du court-métrage", Arts, n° 594 (21/11/1956), p. 3
  • (FR) Yves BENOT, "Un dimanche à Pékin au pas de Chris Marker", Les lettres françaises, n° 647 (29/11/1956), p. 5
  • (FR) André BAZIN, "Dimanche à Pékin: Grand prix du court métrage", France observateur, n° 343 (12/1956), p. n/a  (web)
  • (FR) Pierre BILLARD, "Tours 1956", Cinéma 57, n° 14 (01/1957), p. 134-135
  • (FR) Jacques CHEVALLIER, "Dimanche à Pékin", Image et son, n° 99 (02/1957), p. 18
  • (FR) Jacques DONIOL-VALCROZE, "Problèmes du court-métrage", Cahiers du cinéma, n° 71 (05/1957), p. 30-35 et 81 sq
  • (FR) Martine MONOD, "En liberté sur les routes de l'URSS et Dimanche à Pékin, "où il y a toujours un oeil derrière une caméra", Les lettres françaises, n° 676 (20/06/1957), p. 7
  • (FR) Simone DUBREUILH, "En liberté sur les routes de l'URSS et Dimanche à Pékin", Libération, n° 3977 (20/06/1957), p. 3
  • (FR) Jean de BARONCELLI, "En liberté sur les routes de l'URSS / Dimanche à Pékin", Le monde, n° n/a (20/06/1957), p. n/a  (web)
  • (FR) André BAZIN, "Sur les routes de l'URSS  et Dimanche à Pékin", France observateur, n° 372 (27/06/1957), p. 19
  • (FR) André BAZIN, "Dimanche à Pékin", Radio cinéma télévision, n° 389 (30/06/1957), p. 45
  • (FR) Joseph ROVAN, "Dimanche à Pékin", Esprit, n° 252 (07/1957), p. 116-117  (web)
  • (FR) Jean ROCHEREAU, n/a, La croix, n° n/a (06/07/1957), p. n/a
  • (FR) anonyme, "Dimanche à Pékin", Positif, n° 25-26 (09/1957), p. 91
  • (FR) Jacques CHEVALLIER, "Jeunes talents du court métrage français", Image et son, n° 107 (12/1957), p. 4-6
  • (FR) anonyme, "Chris Marker ou le poète essayiste", Radio cinéma télévision, n° 485 (03/05/1959), p. 47-48
  • (FR) Pierre BILLARD, n/a, Cinéma 61, n° 57 (06/1961), p. 103
  • (FR) Roger TAILLEUR, n/a, Positif, n° 40 (07/1961), p. 75
  • (FR) Hubert ARNAULT, "Dimanche à Pékin", Image et son, n° 161-162 (04/1963), p. 31-33
  • (FR) Paul PAVIOT, "Chris Marker (propos receuillis par Guy Gauthier)", Image et son, n° 161-162 (04/1963), p. 58-59
  • (FR) Hubert ARNAULT / Jacques CHEVALLIER, n/a, Animateur culturel, n° 16 (1963-1964), p. n/a
  • (FR) François PORCILE, "Chris Marker à la poursuite des signes du temps", Défense du court métrage français, Paris: Edition du Cerf, 1963, p. n/a; réédition: in Images documentaires, n° 15 (1993/4), p. 15-18
  • (DE) Lars OLSSON, "Bref fran Sibirien och Söndag i Pekin", Filmrutan, n° XV/4 (1972)
  • (GB) Louise SHEEDY, "All the thrills of the exotic: collective memory and cultural performance in Chris Marker's Dimanche à Pékin", senseofcinema.com, n° 52 (09/2009), en ligne  (web)
  • (FR) Christophe CHAZALON, "La Chine, ne serait-elle pas le dimanche du monde?", in livret du coffret DVD "Chris Marker, Lettre de Sibérie - Dimanche à Pékin", Paris: Tamasa / Argos Films, 2013, n.p.  (web)
  • (GB) Charles LIU, "Documentary depicts a 1955 Beijing in vivid imagery", thenanfang.com, 27/05/2016, en ligne  (web)
  • (GB) Ankursurin, "Sunday in Peking review", pop the culture pill, 03/09/2017, en ligne  (web)
  • (GB) Le TANG, Between politics and aesthetics: red China through the lens of western leftist filmmakers  (PhD thesis), Dallas: University of Texas, 05/2018, 199 p.  (web)

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La jetée

1962 - France - 28' - 35 mm - N&B
Les études sur La jetée  pullulent. Fouillées, détaillées, succinctes, inconsistantes, originales, amusantes, compliquées, intrigantes, bizarres, fragmentaires, complexes, revêches, enrichissantes, tordues, inattendues, blabla, mille et une possibilités s'offrent aux nécessiteux et aux désireux d'en savoir plus. Alors voici quelques pistes à cliquer pour les plus "hors normes" et pour le reste... roulette de souris en action!

  • La coupe du temps retrouvée (web)
  • La jetée - Chris Marker book  (web)
  • Après La jetée de Chris Marker, celle de Honfleur...  (web)
  • Valse avec Bachir vs La jetée  (web)
  • Au commencement était La jetée  (web)
  • Souvenirs de Chris Marker: memoria, tempo e historia em La jetée  (web)
  • L'armée des douze singes  et les images persistantes de Chris Marker  (web)
  • Jean Négroni raconte le tournage de La jetée  (web)
  • Walter COSTA, "This is the story of a man marked by an image from his childhood"  (web)
  • "1er texte joué: La jetée  de Chris Marker" dans Plus on est de fous, plus on lit!  (web)
  • "Atmosphère 53: les artistes mayennais Beg et Lyrixc réinterprètent La jetée"  (web)
  • "Control(e) - Denis Poulain et Thierry Pécot"  (web)
  • "La jetée de Chris Marker" dans le n° 4 d'OpticalSound  (web)

Interview d'Alain Resnais à propos du film La Jetée.


Dans un entretien, Antoine Bonfanti offre un certain nombre d'informations fort utiles à la compréhension de la genèse de l'oeuvre:

"Pendant la postproduction du Joli mai, je passais souvent au montage, mais Chris refusait de me montrer les images. Un jour, en revenant d’un tournage au Cambodge, j’étais passé par Hong Kong où j’avais acheté le premier Pentax 24x36. Quand Chris a vu mon appareil, il était enthousiaste: il travaillait toujours au 6x6, donc il devait recadrer ses photos. Il me l’a emprunté et quatre mois plus tard, il est arrivé avec La Jetée. Il me demandait de passer le voir, j’arrivais à la salle de montage – clac!, il arrêtait la table pour que je ne voie rien, on parlait et j’allais faire des sons. Le cœur qui bat au moment de l’expérience sur Davos Hanich, c’est celui de Jean Ravel, le monteur, qu’on a obligé à courir dans l’auditorium et à faire des pompes pour l’enregistrer."

"Témoignage d’Antoine Bonfanti: ingénieur du son" (recueilli par Olivier Khon et Hubert Niogret), Positif, n° 433 (mars 1997), p. 92-93


Par le premier "Pentax 24x36", il faut en fait comprendre le Pentax H2 (ou S2), premier appareil Pentax 35mm produit en série à partie de l'automne 1959, et non, comme certaines personnes l'ont imaginé, le Pentax Stopmatic qui lui verra le jour en 1964, ce qui provoquerait une rupture temporelle difficilement acceptable.

Plus encore, ce Pentax a été un des appareils utilisés, il n'a pas été le seul, en particulier le Rolleiflex cher à Marker n'a pas été mis de côté le temps de cette aventure. Il a cliqué lui aussi. Plusieurs hypothèses plus ou moins fondées existent à ce sujet. Qui a raison? Difficile à dire, mais ce qui est de sûr (quoique avec Marker on peut toujours avoir des surprises), corroboré par plusieurs sources, c'est que Marker a "pris des photos" pour l'essentiel de ce projet et non uniquement "filmé" les images, ensuite sélectionnées une à une en vue du photomontage final, comme il le stipule lui-même dans une lettre qui nous est parvenue, pour notre plus grand bonheur, et dans laquelle il offre sa vision de cette incroyable aventure que furent le tournage simultané du Joli mai  et de La Jetée  en 1962.


Lettre de Chris Marker à Jean-Luc Alpigiano du 3 janvier (1997)
qu'il faut mettre en rapport avec l'article de Jean-Luc Alpigiano,
"Un film lazaréen", paru dans la revue Cinémathèque, n° 12 (automne 1997), p. 44-52 

Cette lettre nous a gentiment été transmise par Jean-Luc Alpigiano que nous remercions, ici, très chaleureusement.

Enfin, on trouve sur le web des copies des pages du story board  rédigé par Marker et conservé aujourd'hui à la Cinémathèque royale de Bruxelle.

Ou encore, une analyse "pictogrammique" des plus intéressantes que vous pouvez télécharger en cliquant sur le mot PDF!

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Générique (début, dans l'ordre d'apparition)
Argos Films présente
Avec la participation du Service de la Recherche (Trouvaille) de la R.T.F.
La Jetée
Un photo-roman de Chris Marker
Montage: Jean Ravel
Récitant: Jean Négroni
avec Hélène Chatelain, Davos Hanich, Jacques Ledoux, André Heinrich, Jacques Branchu, Pierre Joffroy, Etienne Becker, Philbert von Lifchitz, Ligia Borowczyk, Janine Klein, Bill Klein, Germano Faccetti
Musique de Trevor Duncan / Editions Boosey & Hawkes
Choeurs de la cathédrale St-Alexandre Newsky / Disque Philips
Micromatières de Jean-Pierre Sudre
Tirages: Duffort
Son: SIMO
Laboratoire: LTC
Effets speciaux: DSA
Opérateur: Cs Olaf
Procédé: Ledoux
Prix Jean Vigo du court métrage 1963
Grand Prix et Astronef d'or à Trieste 1963
Distribution: Tamasa (pour Argos films)

Commentaire / scénario: voir la page dédiée de ce site ICI.

Bibliographie

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Si j'avais quatre dromadaires

1966 - France/Allemagne - 49' - 35 mm - N&B
Si j'avais quatre dromadaires. Voilà un bien étrange titre pour un film construit autour d'une sélection de photographies "prises dans 26 pays entre 1955 et 1965"1, choisies parmi les archives du réalisateur - globe trotter Marker, et commentées par trois individus (Catherine Le Couey, Pierre Vaneck et Nicolas Youmatoff), qui ne sont en fait que les narrateurs d'un commentaire "dialogué" écrit par le cinéaste-photographe, bidouilleur des temps à jamais perdus2.
Comme à son habitude, les clins d'oeil et les références abondent dans ce film. Et le titre en est une, dévoilée directement aux premières minutes de projection. En effet, Si j'avais quatre dromadaires est tiré d'un poème du recueil de Guillaume Apollinaire, le Bestiaire ou cortège d'Orphée (1911), intitulé "Le dromadaire".

La culture de Marker est grande, qu'il s'agisse de musique ou de littérature, d'art ou de cinéma. Donc rien d'étonnant à ce choix. Mais si ici il donne directement sa source, comme il le fera plus tard pour Une journée d'Andrei Arsenevitch (1999) dont il précisera lui-même le lien avec le premier roman d'Alexandre Soljenitsyne intitulé Une journée d'Ivan Denissovitch, publié dans la revue littéraire Novy Mir pour la première fois en décembre 1962, ou encore avec cette phrase "Je vous écris d'un pays lointain" tirée d'un poème des Lointains intérieurs (1938) d'Henri Michaux et qui ponctue Lettre de Sibérie (1958), la filiation n'est pas toujours évidente ou confirmée, même si on imagine mal une simple coïncidence. C'est le cas de Description d'un combat (Beschreibung eines Kampfes) (1909), le premier écrit conservé de Franz Kafka, une nouvelle entreprise vers 1904 à la première personne et qui se trouve être le titre du film de Marker sur Israël (1960).
Quoiqu'il en soit ce "photo-documentaire", en analogie avec le "photo-roman" qu'est La Jetée (1962), a pour tout premier intérêt de nous montrer, si cela était encore nécessaire, que Chris Marker est un excellent photographe, tout autant qu'un maître du commentaire. « La photo c'est la chasse, la chasse des anges. Au lieu d'un mort, on fait un éternel».
Films et recueils de photos se retrouvent ici liés, tout comme il l'avait été dix ans plus tôt avec le portfolio de la revue Esprit  réalisé à la suite d'un voyage en Chine et intitulé "Clair de Chine. En guise de carte de voeux, un film de Chris Marker", alors que le film lui pris finalement le titre Dimanche à Pékin (1956).
Mais Marker n'est pas le seul à proposer ce genre de d'approche cinématographique. Agnès Varda, pour ne citer qu'un exemple, n'a-t-elle pas réalisé Salut les Cubains (1963), un film pour classer plus d'un millier de photos prises par ses soins lors d'un voyage à Cuba, un film hommage, un film de pur montage?3
Autre point récurrent chez Marker, la structure en deux parties que l'on retrouve dans l'essentiel de ses films. Ici, "le Château" s'oppose "au Jardin", sur le modèle des coulisses du théâtre, mais avec un sens politico-mystique.

  • C - C'est bizarre... Personne ne croit plus en Dieu, mais on parle du Christ d'un air entendu. On le cite, on le copie, on lui trouve des ressemblances. Les Japonais ont fait un Nô sur la mort du Christ, le premier Nô chrétien de l'histoire. On ne brûle plus les missionnaires au Japon, c'est un progrès. Un progrès vers l'indifférence. Fidel Castro a fait écrire sur les murs: "Trahir les pauvres, c'est trahir le Christ." Ca semble être aussi l'avis du Concile. Donc ce serait utile, un Christ, il faudrait avoir ça chez soi. "Mettez un Christ dans votre bonheur." Comme si, même en se dispensant d'y croire, il était bien commode que quelqu'un, quelque part, soit chargé de porter toute la misère du monde... Nous vivons dans le Château. Il y a pire que la tyrannie, il y a le silence. La distance entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas. L'impossibilité de communiquer. La seule frontière de races. C'est le Château. Les pauvres vivent à son ombre. Ils y grandissent. Et quand ils ouvrent les yeux, comment les leur refermer?
  • P - Un jour j'ai vu des pauvres heureux... C'était à Nanterre, au bidonville, le premier jour de l'indépendance algérienne.
  • C - Ils étaient heureux. Un instant de bonheur payé par sept ans de guerre et 1 million de morts. et le lendemain le Château était toujours là. Et les pauvres sont toujours là, jour après jour. Et jour après jour, nous continuons de les trahir. [...]
  • P - Je pense qu'on nous scie les pieds avec la loi de la Jungle, et qu'il y a aussi la loi du Jardin. La Jungle est le Château des bêtes, mais leur jardin...4

Cette vision du monde répond bien aux aspirations de Marker depuis les débuts. Mais ce qui fait la particularité de Si j'avais quatre dromadaire, c'est avant tout une réflexion pénétrante et intelligente sur la photographie, telle que la très bien décrite Marcos Marino dans son article "Puissance de la photographie".

"Au tout début de Si j'avais quatre dromadaire, on voit la photographie d'une sculpture ancienne, tandis que le photographe commente: "un sculpteur a éternisé un certain visage avec un certain regard." Mais il semble exister chez Marker une dimension encore plus profonde de la photographie: la capture, pas seulement d'un moment ponctuel, présent de la subjectivité, mais d'un futur virtuel caché dans l'image présente, qui va se développer dans une histoire subjective et collective. Ce n'est pas la photo comme souvenir, mais comme souvenir d'un avenir."5

Notons encore les propos d'Antoine Bonfanti sur la genèse de ce film:

"Je n’ai jamais vu les images des films de Chris, avant qu’ils soient totalement finis – exceptés les rushes du Joli Mai. Même sur Si j’avais quatre dromadaires, les comédiens disaient leur texte sans voir les images. Marker avait déjà fait son montage et écrit un commentaire. J’enregistrais les voix et il chronométrait."6

Enfin, autre particularité de Si j'avais quatre dromadaires: sa diffusion. Pierre Valade, dans son article publié dans Jeune cinéma  en 1975, à l'occasion de la sortie dans un programme commun de ce court métrage et de La solitude du chanteur de fond, fait remarquer que Si j'avais quatre dromadaire était alors "un film jamais montré encore (sauf par la télévision allemande qui l'avait produit) et qui n'existait pour nous que par un commentaire publié"7, à savoir dans les Commentaires 2  de 1967.
Le 12 avril 2018, ISKRA et la coopérative audiovisuelle Les Mutins de Pangée ont édité un coffret dvd du film soigné et de qualité qui rend à ce film tout son cachet.

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Générique (dans l'ordre d'apparition)
[début]
Pour Machenka
[fin]
Si j'avais 4 dromadaires 1966
Coproduction: APEC et ISKRA
Voix: Pierre Vaneck, Catherine Le Couey, Nicolas Yumatov
Collaborateurs: Antoine Bonfanti, J. F. Lariviere-Brochard, Christine Lecouvette, Wolfgang Theile
Musique: Lalan et Trio Barney Wilen
Banc-titre: Seria
Laboratoires: GTC-CTM
Tirages photographiques: Duffort
Un film produit par Henri Regnier (Hambourg) et Claude Joudioux (Paris)
Ecrit et photographié par Chris. Marker
Distribution: non distribué (anciennement ISKRA)

Commentaire / scénario: dans Chris Marker, Commentaires 2, Paris : Le Seuil, 1967, p. 38-83

Notes
1 Cliquer sur l'appel de note qui renvoie à la page web.
2 Le premier titre de Si j'avais quatre dromadaires précise: "Sujet: un photographe amateur et deux de ses amis commentent un choix de photos prises un peu partout dans le monde".
3 Le générique est un film, puis vient le photo-documentaire. A noter que Chris Marker est cité dans les remerciements, dans le dit générique.
4 Chris Marker, Commentaires 2, Paris: Le Seuil, 1967, p. 133-139
5 Coeur de chat. Si Chris Marker m'était conté, Genève: Activités Culturelles de l'Université de Genève, 2010, p. 56
6 "Témoignage d’Antoine Bonfanti: ingénieur du son" (recueilli par Olivier Khon et Hubert Niogret), Positif, n° 433 (mars 1997), p. 92-93
7 Pierre Valade, "Un programme Chris Marker", Jeune cinéma, n° 84 (02/1975), p. 29

Bibliographie
Si j'avais quatre dromadaires a été présenté avec La solitude du chanteur de fond, d'où les articles critiques réunissant les deux films.

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  • (FR) Mireille AMIEL, "La tendresse de Marker", Téléciné, n° n/a (02/01/1975), p. n/a
  • (FR) Henry RABINE, "Deux films de Chris Marker", La croix, n° n/a (04/01/1975), p. n/a
  • (FR) Jean-Francis HELD, "Chris Marker, moine-cinéaste", Le Nouvel observateur, n° n/a (06/01/1975), p. 51-52
  • (FR) P. SERY, "Si j'avais quatre dromadaires", Le nouvel observateur, n° n/a (06/01/1975), p. n/a
  • (FR) Mireille AMIEL, "La solitude du chanteur de fond - Si j'avais quatre dromadaire", Cinéma 75, n° 195 (02/1975), p. 118-120
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  • (FR) Guy GAUTHIER, "La solitude du chanteur de fond - Si j'avais quatre dromadaires", Image et son, n° 293 (02/1975), p. 109
  • (FR) Pierre VALADE, "Un programme de Chris Marker: La solitude du chanteur de fond - Si j'avais quatre dromadaires", Jeune cinéma, n° 84 (02/1975), p. 29-31
  • (FR) Paul-Louis THIRARD, "La solitude du chanteur de fond - Si j'avais quatre dromadaires: de l'introversion considérée comme un des beaux arts", Positif, n° 166 (02/1975), p. 64
  • (FR) J. MARGORY, "La solitude du chanteur de fond - Si j'avais quatre dromadaires", Téléciné, n° 196 (02/1975), p. n/a
  • (FR) M. M., "Si j'avais quatre Chris Marker", Esprit, n.s., vol. 444, n° 3 (03/1975), p. 425-428  (web)
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  • (FR) Lucien LOGETTE, "Chris Marker: Pesaro 1996", Jeune cinéma, n° 243 (05/1997), p. 27-29
  • (PT) Érico ELIAS, "Ensaismo e utopia em um fotofilme de Chris Marker", Studium  (Campinas), n° 36 (2014), p. 150-171  (web)

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Ciné-tracts

1968 - France - 2' à 3' - 16 mm - N&B ou Couleur
Les Ciné-tracts  consistent en une série de courts métrages de 2 à 3 minutes, le plus souvent muets, et faits tantôt par des amateurs, tantôt par des cinéastes chevronnés, et utilisés pour l'agitprop durant Mai 1968. Nicole Brenez, pour l'émission Court-circuit en mars 2002, en a donné la description suivante:

"Les États généraux du cinéma naissent le 19 mai 1968. Ils réunissent jusqu'à 1'500 personnes, professionnels ou non du cinéma, soucieuses de “faire politiquement des films politiques”, qui remettent en cause tous les aspects de la pratique cinématographique, production, réalisation, diffusion. Les États généraux servent de point de repère dans l'une des périodes les plus inventives formellement de l'histoire du cinéma: la propagation de ce que l'on pourrait appeler le "Grand Style révolutionnaire". Inspiré des exemples soviétiques, des Frontier Films  de Paul Strand et Leo Hurwitz, de Santiago Alvarez à Cuba ou de Fernando Solanas en Argentine, inspiré plus profondément encore par l'exemple héroïque du peuple vietnamien, un même style protestataire traverse les continents et fertilise une vague historique, les films de contre-information. Les Ciné-tracts, entreprise collective lancée par les États généraux1 à l'initiative de Chris Marker, associent de nombreux protagonistes de l'avant-garde française, qu'ils soient cinéastes, peintres, photographes, acteurs ou techniciens: Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin, Alain Resnais, Philippe Garrel, Jackie Raynal, Jean-Denis Bonan, Gérard Fromanger, Jacques Loiseleux et beaucoup d'autres. Chaque ciné-tract consiste à refilmer, au banc-titre et sans montage, des photographies de l'actualité en France et dans le monde, pour créer un petit poème visuel sur une bobine 16mm, soit 2 minutes 44. Les laboratoires étant en grève, une dérogation est accordée pour développer quand même les films de Mai parce qu'ils sont anonymes, collectifs et immédiats. Selon leur protocole, les ciné-tracts doivent “contester–proposer-choquer-informer-interroger-affirmer-convaincre-penser-crier-rire-dénoncer-cultiver” afin de “susciter la discussion et l'action"."

Selon les informations fournies par ISKRA, Marker aurait tourné les numéros 1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 20, 21, 23, 26, 29, 30, 40 et 106.

Alors, à votre tour: CINÉ-TRACTEZ!



Judith REVAULT D'ALLONNES, "Jean-François Dars / Anne Papillault / Inger Servolin: une brève histoire des Ciné-tracts", debordements.fr, le 20 janvier 2014  (web)
"J’ai vu pour la première fois les Ciné-tracts en 2005 pendant la préparation de la rétrospective intégrale Jean-Luc Godard au Centre Pompidou. Il avait réalisé une dizaine de ces petits films d’agit-prop, de deux à quatre minutes chacun, dont la fabrication a commencé pendant les événements de Mai 1968. En 16mm, silencieux, constitués uniquement de photographies et d’images fixes, les Ciné-tracts m’avaient réjouie: ils retrouvaient une dialectique des images seules, abandonnée depuis le cinéma soviétique des années 1910 à 1930; ils avaient l’énergie et la sauvagerie du brûlot partisan, tournés à chaud — toutes choses qui me manquaient, à moi qui ai passé mes années de collège et de lycée plus de vingt ans après dans les mêmes rues du Quartier Latin. Parmi la cinquantaine de Ciné-tracts réalisés, ceux de Godard étaient facilement reconnaissables aux courts-circuits plus poétiques que politiques, au remploi d’images de quelques-uns de ses films, aux textes inscrits de sa belle écriture cursive. Pour les autres, leur fabrication collective et anonyme garantissait le mystère. Les noms de Chris Marker, de William Klein, de Gérard Fromanger qui a, lui, signé le Ciné-tract 1968, ne disaient finalement rien: rien du comment, du où, de l’avec-qui, du pourquoi, pour qui. Lorsque les Ciné-tracts ont ressurgi à la faveur de la manifestation Planète Marker cet automne, j’ai profité de l’amitié de quelques-uns des participants qui s’y trouvaient rassemblés pour revenir sur cette histoire avant que le temps ne l’engloutisse. C’est une petite histoire, modeste, celle d’un bricolage à plusieurs pour tenter de montrer et de faire exister les événements autrement. Merci à Jean-François Dars, Anne Papillault et Inger Servolin de l’avoir racontée, comme ils le pouvaient.

Jean-François Dars et Anne Papillault, Ciné-tracts #1 - 29/11/13 / Paris

  • Débordements: Comment est née l’idée des Ciné-tracts?

Jean-François Dars: J’ai bien l’impression que c’est Chris Marker et Chris Marker tout seul qui a eu cette idée. Je suis arrivé au début mais pas au pré-début. J’étais en Afrique et je n’ai débarqué à Paris que le 15 mai. Il y avait déjà une belle effervescence. Je ne sais plus comment je suis retombé sur Chris mais il m’a dit: «Viens, on fait des Ciné-tracts». Il avait déjà ameuté toute une série de photographes. Des gens dont j’ai oublié le nom parce qu’ils ne sont pas connus – à ma grande honte, alors que ce sont de très bons photographes. Il y avait Jean-Pierre Thorn, des gens comme ça, qui travaillaient en usine ou autour des usines depuis un certain temps. Il y avait aussi des photos de Bruno Barbey, Marc Riboud, Gilles Caron, William Klein, Michel Laurent [co-fondateur de Gamma, tué quelques années plus tard au Vietnam], Jean-Luc Godard, et Chris Marker, bien entendu. Il n’y avait pas Cartier-Bresson, ça j’en suis sûr.

  • D: Et un peu de photos de toi et de ceux qui participaient comme toi.

JFD: Oui, un peu. Ca se passait au 1 rue Littré, dans le studio Dumage, qui ne s’appelle plus ainsi. C’était une grande pièce vide avec moquette, et il y avait les tirages des différents photographes en tas, par terre.

  • D: Ils les laissaient comme ça, à disposition?

JFD: Oui, et chacun piochait librement. On faisait son choix, et une fois le plan de tournage fait, on emportait les tirages avec lesquels on voulait faire un Ciné-tract. Le tournage se faisait forcément dans l’ordre du montage.

  • D: C’était tourné-monté, dans la caméra.

JFD : Oui, il n’y avait vraiment pas un sou. Je ne sais pas d’où venait la pellicule d’ailleurs, ni l’argent pour le labo. Chris s’était débrouillé, comme d’habitude. Je crois qu’il avait aussi des accointances avec Paris Match, en tout cas pour le développement des photos couleur – mais il n’y a pas eu de Ciné-tract couleur il me semble. Willy Rizzo ou des gens comme lui donnaient gentiment un coup de main.
Une fois qu’on avait décidé du plan de tournage, on allait dans une boîte de banc-titre, la Seria, dont le dirigeant, propriétaire et fondateur s’appelait Christian Quinson. C’était à l’angle du boulevard St-Germain et de la rue Domat. Là, dans les profondeurs, il y avait plusieurs bancs-titres professionnels – je crois que la Seria était spécialisée en bancs-titres de génériques, donc c’était de la prise de vue image par image. Le cornac du banc-titre était à disposition à chaque fois. Ça se passait la nuit, car ils étaient occupés à des travaux commerciaux le jour. Ils étaient d’une infinie patience avec des gens qui leur demandaient des choses à peu près impossibles.

  • D: Ils travaillaient bénévolement?

JFD: Oui. C’était une époque bénie où il n’a jamais été question du moindre centime. Et quand la Seria n’était pas libre, on se débrouillait autrement. Pour un Ciné-tract que j’ai fait avec Jean-Michel Folon, qui s’était alors pris au jeu, on s’est retrouvé chez Jean-Luc Godard. Il habitait rue du Petit-Pont à l’époque, ou pas loin de là. On ne l’avait jamais vu avant mais il a mis à notre disposition une pièce chez lui, sa caméra Beaulieu et son pied. Et là, on a fait le Ciné-tract sur les obsèques de Gilles Tautin, toujours tourné-monté, mais au lieu de le faire au banc-titre, on punaisait les photos au mur et on filmait un peu plus serré. Tout simplement.
Anne Papillault: Celui à propos de Gilles Tautin est fait uniquement avec tes photos d’ailleurs. C’était exceptionnel.
JFD: Oui, j’avais fait une crise de narcissisme. J’avais suivi tout l’enterrement, j’avais toutes les photos, je jugeais qu’on pouvait faire un Ciné-tract cohérent avec. Mais sinon, pour les autres, tout le monde piochait dans les photos de tout le monde.

  • D: Quand tout cela a-t-il commencé exactement ?

JFD : Ça a dû commencer début mai 1968, avec les premières manifestations étudiantes, et moi j’ai vu ça jusque fin juin. La première projection a eu lieu au plus tard fin mai. Chris et Alain Resnais étaient derrière moi, ils ricanaient. Et William Klein est parti très vite en disant que c’était ni fait ni à faire. Chris et Resnais se marraient parce qu’ils n’étaient pas contents de leurs propres productions, Klein n’était jamais content. Ils en ont projeté entre 10 et 15, je n’ai pas compté sur le moment, mais c’était la première vague. D’après Inger [Servolin, sur les épaules de qui la coopérative de cinéma militant SLON a reposé pendant des dizaines d’années], il y en a eu une bonne cinquantaine, mais j’ai un peu perdu le fil après. Ils ont dû être réalisés et développés en plusieurs fournées.

  • D: La première vague s’est arrêtée avec la fin des manifestations étudiantes?

JFD: Il y en avait encore fin juin parce que je me souviens d’avoir utilisé des photos de la grande manifestation des Champs-Élysées, la contre-manifestation des Gaullistes, qui était gratinée d’ailleurs...

  • D: Comment Chris est arrivé à cette idée de Ciné-tract?

AP: Il avait déjà fait La Jetée (1962) et Si j’avais 4 dromadaires (1966) avec des photographies au banc-titre. Pour lui, c’était naturel d’utiliser des photos.
JFD: Il voulait vraiment que ce qui reste des événements en train de se dérouler à Paris, ce soit la répression des flics. Ça n’a pas été une répression comme en Amérique du Sud, c’était gentillet comparé à ça. La seule mort à Paris a eu lieu par noyade. Un type s’est jeté à l’eau à Flins à cause d’une charge de flics. Mais quand même, ça surprenait. Les Parisiens n’étaient pas habitués à ça... Chris voulait témoigner, et puis il aimait bien les expériences. Ça l’intéressait sûrement de voir ce que pouvaient imaginer les photographes quand ils n’avaient plus à travailler pour des magazines.

  • D: L’intérêt de Chris, sa curiosité, c’était vraiment de travailler à partir de photos? Pourquoi ça n’était pas filmé directement dans la rue ? Pas de caméra à disposition? Trop cher?

JFD: Si, il avait, mais c’était sa période photos. Je ne me souviens pas si Chris a filmé 68. Je ne crois pas. Il avait déjà le Pentax puisqu’il y a une ou deux images des Ciné-tracts où l’on voit un couple d’amants assis sur un trottoir, avec en fond les CRS. Ça a été pris pratiquement en pleine nuit, avec le téléobjectif de 200 sur le Pentax.

  • D: Beaucoup de gens enregistraient ce qui était en train de se passer pendant les manifestations?

JFD: Il y en avait quand même pas mal. Pas autant qu’il y en aurait aujourd’hui. Tout le monde n’avait pas son appareil. Mais c’était rare qu’il se passe quelque chose sans qu’il y ait 3 ou 4 personnes en train de photographier. Cartier-Bresson a fait de la couleur, au Nikon, ce qui ne lui ressemblait pas. D’ailleurs, ce n’est pas passé à l’histoire.
AP: Mais à l’époque, n’avaient d’appareils photos que les photographes ou les amateurs éclairés. Ce n’était pas un objet entre toutes les mains.

  • D: La réalisation, non plus des clichés mais des Ciné-tracts eux-mêmes, des films, c’était au départ aussi l’œuvre de photographes?

JFD: Non, c’était ouvert absolument à tout le monde. N’importe qui pouvait venir, il n’y avait rien à soumettre. J’avais ramené un copain universitaire, un peu autodidacte, Roland Auguet, qui a fini par faire des émissions sur France Culture. Il s’est lancé dans un truc invraisemblable sur les sauvages vus par Montaigne et le spectacle de la sauvagerie. Tout ce qui faisait preuve d’initiative et d’imagination était jugé bon à prendre. J’ai vu Chris, Resnais, Godard, Klein et Thorn en faire, et deux ou trois types qui venaient d’une organisation qui s’appelait "PC cinéma". Ils ont fait des Ciné-tracts très CGT pure et dure, un peu lourds.

  • D: Donc vous choisissiez vos images, vous faisiez un plan du film, vous alliez au banc-titre et c’était plié. Efficace...

JFD: Tu le sais: Chris, l’efficacité, il connaissait.

Inger Servolin, Ciné-tracts #2 - 04/12/13 / Paris

  • D: L’idée de faire des Ciné-tracts venait de Chris Marker?

Inger Servolin: Je ne peux pas vous dire. On lance une idée et elle appartient à tout le monde. En ce qui me concerne, c’était mon premier véritable travail. Avant, j’avais fait des bricoles sur Loin du Vietnam [de Chris Marker, Jean-Luc Godard, William Klein, Claude Lelouch, Joris Ivens, Alain Resnais - 1967]. Mais la première chose que j’ai vraiment suivie en production, avant que SLON existe formellement sous forme d’entreprise, ce sont les Ciné-tracts à partir de 1968. Je m’occupais surtout des travaux de laboratoire. Je récupérais les négatifs, je les amenais à tirer et on faisait des petits rouleaux de 3 minutes qu’on commercialisait comme des petits pains.

  • D: Jean-François Dars nous a raconté leur fabrication. Il s’agissait de faire très vite pour montrer très vite.

IS: Oui, un ciné-tract pouvait être réalisé en une nuit ou 24 heures. Il y avait Marker, Resnais, Klein, Godard. Godard en a fait beaucoup. Et puis Jean-François Dars, Ethel Blum, Jean-Pierre Thorn, Bruno Barbey et bien d’autres. Je ne sais pas si Christian Quinson était déjà dans le coup, c’est possible. On tenait à ce que ce soit anonyme. J’ai tout de même voulu garder les noms des participants. Je les avais consignés sur un cahier, que j’ai d’ailleurs égaré... Je n’ai absolument pas contribué à la fabrication des premiers. Mais je m’occupais des tirages. J’ai eu un accident de la route qui aurait pu être très grave en revenant du laboratoire Vitfer à Issy-les-Moulineaux. J’en suis sortie indemne. Mais ça a gravé cette époque dans ma mémoire, je m’en souviens bien alors qu’après 45 ans, on risque d’interpréter, de ré-écrire...

  • D: Quand la fabrication des Ciné-tracts a-t-elle commencé?

IS: Presque tout de suite après le début des émeutes étudiantes. La fabrication s’est arrêtée en juin, juillet, je pense quand les gens sont partis en vacances... et puis elle a repris.

  • D: À l’automne?

IS: Non pas à l’automne, plus tard. Un an après dans mon souvenir, en 1969-1970. À l’exception de celui que Marker a fait sur les Jeux olympiques de Mexico, qui avaient eu lieu en mai 1968. Ce Ciné-tract, réalisé à l’automne, a été un lien. C’était un des derniers de la première vague et il s’ouvrait déjà à d’autres événements que les émeutes étudiantes. Le réalisateur du film sur les ouvriers de l’usine Renault de Cléon, Alain Laguarda, et d’autres amis avec lui, sont revenus en disant qu’il était dommage d’avoir laissé tomber les Ciné-tracts, que beaucoup de choses se passaient encore dont il fallait parler. Et il y en a eu une nouvelle série, toujours dans le même style mais moins spectaculaire, parce que ce n’était plus des émeutes et de la répression policière. C’était plutôt des mini-reportages sur des choses peu connues, dont on ne parlait pas, dans un souci de contre-information. C’était toujours tourné au banc-titre à partir de clichés photographiques, mais ça se faisait chez nous, chez SLON. SLON a voyagé pas mal à ses débuts. On a été chez moi, chez un ami de Chris Marker, rue Mouffetard, puis en 1969 rue Albert où on a occupé successivement deux locaux différents. C’est rue Albert que s’est faite la deuxième vague des Ciné-tracts. Notre banc-titre était une construction en bois, avec la caméra qui était donc fixée au-dessus par des gaffers. Il y avait deux plaques en verre où on posait les photos. On pouvait créer de petits mouvements à l’intérieur de l’image en bougeant la photo en-dessous. On plaçait le cliché, on tournait, on arrêtait, on en plaçait un autre, on tournait... Il fallait être précis, on minutait, puisqu’il n’était pas question de monter. Les négatifs étaient intacts, sans collure. On peut peut-être dater les Ciné-tracts de cette série grâce à leurs contenus. Il y en a eu jusque cent et quelques.

  • D: Mais il y a des trous...

IS: Oui, des trous énormes. Parce que j’attribuais un numéro à des gens qui voulaient faire un Ciné-tract sur tel ou tel événement et qui finalement ne le faisaient pas.

  • D: Et l’économie de tout cela?

IS: Ça s’autogérait. Je n’étais pas payée. C’était une époque où beaucoup participaient pour participer, pour aider à ce qui leur semblait politiquement important, sans rétribution. Des amis faisaient, la nuit, gracieusement, toutes les "perruques" par exemple - on appelait ça des "perruques", à la télé, quand on avait des bancs-titres à faire. De mon côté, j’ai commencé à vendre des films à l’étranger assez vite, un peu d’argent rentrait donc, mais il y avait aussi des frais pour les locaux, le téléphone... le minimum. Et un tout petit peu de salaire pour ceux qui ne pouvaient pas vivre autrement, mais c’était très peu... Je discutais dur pour que les labos nous fassent des prix, et ils le faisaient. Si je voyais que l’argent ne rentrait pas et que j’allais avoir du retard, je prévenais les gens que je risquais de ne pas payer à l’heure dite et qu’il fallait un petit délai. Je n’ai jamais eu de soucis, ni avec la banque, ni avec les labos.
Les Ciné-tracts, c’était les tout-débuts de SLON, avec À bientôt j’espère (1967) de Chris Marker et Mario Marret. C’est le premier film que j’ai commercialisé. Il a permis à SLON de se constituer, et de payer les frais de la société en Belgique. On l’avait créée là plutôt qu’en France pour deux raisons: d’abord parce que c’était bien moins cher, ensuite parce que ça nous permettait d’éviter les saisies de films en laboratoires par les Renseignements Généraux.
Sur les Ciné-tracts, on ne gagnait pas d’argent. On les vendait presque au prix coûtant, à peine plus. Et ça partait comme des petits pains. À l’étranger des Japonais, des Américains, des Anglais les achetaient. Pendant des années, un distributeur, je crois que c’était Contemporary Film à Londres, nous a envoyé des remontées de recettes sur les Ciné-tracts, des pourcentages, comme pour les autres films, alors qu’il n’y avait jamais eu le moindre contrat étant donné la nature de ces objets. Ça m’amusait beaucoup.

  • D: Les Ciné-tracts étaient diffusés dans quel cadre?

IS: Militant, ou pseudo-militant si vous voulez, même à l’étranger. On en faisait cadeau aussi, en les collant avant un film. La diffusion a commencé très vite, très très vite, pendant que les émeutes avaient encore lieu. En France, ça a été diffusé partout, chez des particuliers... Les curés, les pasteurs, les chrétiens de gauche en étaient très friands. Il y avait des réseaux incroyables, via les ciné-clubs, dont certains ont même acheté les droits (Jean Vigo, Citévox). Les lycées et lycées techniques aussi, qui étaient en grève. Tous les comités de quartiers (il y avait des comités de tout). Et bien sûr les comités d’entreprise. En usine, c’était très très montré, à l’heure du déjeuner, quand les gens avaient une pause. Il y a eu des milliers de diffusions. Les universités s’y sont intéressées beaucoup plus tard. Les prix, très bas, payaient le laboratoire. Au début, pour certains, on ne facturait même pas le transport. On essayait de se rattraper sur ceux qui avaient de l’argent.
Très souvent, on ne louait pas les Ciné-tracts, on les vendait, parce que ce n’était pas rentable. Je faisais sans arrêt tirer de nouvelles copies. Ça a duré comme ça pendant 4-5 ans, jusqu’en 1972

  • D: Quand on voit les Ciné-tracts, le contexte dans lequel ils sont nés, la manière dont ils ont été produits, ça fait penser immédiatement au cinéma soviétique des années 1920. Mais cette fois-ci, ce n’est pas le ciné-train édifiant de Medvedkine, que Marker avait poursuivi en 1967 en formant des collectifs de cinéma ouvrier, les groupes Medvedkine, mais les trains d’agit-prop auxquels a participé Dziga Vertov, “Révolution d’Octobre” ou le "Train Lénine". C’était présent à l’esprit de ceux qui les fabriquaient?

IS: Oui, c’est évident, c’est Dziga Vertov. C’était directement inspiré de ses films et de ses actualités. On parlait d’agit-prop, c’était dit et revendiqué. Fièrement.

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Générique n/a

Distribution: ISKRA

Commentaire / scénario: non édité [généralement sans son]

Note:
1 Sur l'historique, les pv des séances, les décisions, les 18 projets de réformes, les statuts et la déclaration des droits du cinéma émis par les Etats généraux du cinéma, voir Image et son, n° 219 (09-10/1968), p. 261-313

Bibliographie

  • (FR) Louis SEGUIN, "Ciné-tracts", Positif, n° 97 (07/1968), p. 10
  • (FR) Heinz KERSTEN, n/a, Frankfurter Rundschau, n° n/a (16/10/1968), p. n/a
  • (FR) anonyme, "Ciné-tracts", L'avant-scène cinéma, n° 171-172 (07/1976), p. 54-58
  • (DE) Martin SCHAUB, "Ciné-tracts", in P. W. JANSEN / W. SCHÜTTE (Hg.), Jean-Luc Godard, Munich: n/a, 1979, p. 172-174
  • (DE) Freunde der deutschen Kinematek (Hg.), Verleihkatalog 1987, Berlin: n/a, 1987, p. 44
  • (GB) Gary ELSHAW, The depiction of late 1960's counter culture in the 1968 films of Jean-Luc Godard  (Master thesis), tripod.com, 11/2000, en ligne  (web)
  • (FR) Lilas POUZIN, Enjeux politiques, culturels et cultuels des  cinétracts de Mai 68: de l'évènement au mythe  (mémoire de maîtrise), Paris: Université de la Sorbonne Nouvelle, 2013, 2 vol., 66 f. + 55 p.  (web)
  • (GB) Joss WINN, "Ciné-tracts. Revolutionary filmmaking", josswin.org, 15/12/2013, en ligne  (web)
  • (FR) Achilleas PAPAKONSTANTIS, "Ciné-tracts  68/69: un dispositif de contre-savoir et de contre-pouvoir", Home cinéma, n° 4 (08/2014), p. 96-107  (web)
  • (PT) David FAROULT, "Ciné-tracts", portalbrasileirodecinema.com.br, 2015 (?), en ligne  (web): trad. par Tatiana Monassa
  • (GB) Sarah HAMBLIN, "Chris Marker's Overnight: ciné-tracts  then and now", The cine-files, n° 12 (spring 2017), en ligne  (web)
  • (PT) Leonardo Gomes ESTEVES, Dialéticas da desconstrução: Maio de 68 e o cinema  (tese de doutorado), Rio de Janeiro: Universidade federal do Rio de Janeiro, 09/2017, 293 p.  (web)
  • (FR) Véronique DODUIK, "Les ciné-tracts, témoins de Mai 68", cinematheque.fr, 02/05/2018, en ligne  (web)
  • (GB) anonyme, "The image of insurgence: anonymous and collective cinema from May '68", museoreinasofia.es, 03/05/2018, en ligne  (web)
  • (ES) Paula López MONTERO, "Ciné-tracts: política de la imagen", cinedivergente.com, 18/05/2018, en ligne  (web)
  • (ES) Dominic TOPP, "Revolución escritura: los ciné-tracts  de Jean-Luc Godard y el arte de Mayo de 1968", Significação: revista de cultura audiovisual  (São Paulo), vol. 45, n° 50 (07-12/2018), p. 22-43  (web)
  • (GB) Julia NELSEN, "1968 and global cinema: Ciné-tracts", ies.berkeley.edu, 14/11/2018, en ligne  (web)

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On vous parle du Brésil: Carlos Marighela

1969 - France - 40'46 - 16 mm - N&B
Après Loin du Vietnam (1967) et A bientôt, j'espère (1968), SLON, dont le siège est basé en Belgique afin de passer au travers de la censure française, décide de se lancer dans la production de magazines pour la télévision. Dès 1968, apparaît le magazine Nouvelle société  essentiellement axé sur la situation des ouvriers français. Peu de temps après, suit un magazine de contre-information: On vous parle de...

"La liberté de l'information est un bien précieux, mais comme par un fait exprès, il y a des gens sur lesquels on n'est jamais informé: ou bien on parle à leur place, ou bien leur voix nous parvient à travers tant de parasites que simplement elle se perd (la réduction des morts du Viêt-Nam, des grévistes des Asturies, du dernier voyage présidentiel et du salon de l'Auto au commun dénominateur du journal télévisé, nous, on n'appelle pas tellement ça de l'information). Le but de cette série est alors de donner la parole, sans intermédiaire et presque sans commentaire, à des hommes et des femmes mêlés directement aux luttes de notre temps: soit qu'ils parlent dans le film, soit que le films lui-même, réalisé par eux, soit leur parole."1

Pour pouvoir financer ce projet, SLON s'associe avec une société française SAGA, afin de pouvoir obtenir les aides financières françaises des primes à la qualité, dans un rapport de 70% - 30%. Un premier accord est signé en janvier 1970, suivi d'un second mi-avril, plus complet. Ce dernier précise, en substance, dans son premier article, le titre, le sujet, le réalisateur, le format, la durée, le coût approximatif, etc. des 15 films envisagés. Dans l'ordre, on a donc: On vous parle de Prague: le deuxième procès d'Artur London  (déjà tourné, mais pour des travaux complémentaires), Rhodia 4x8, les trois épisodes de Nouvelle société tourné par le groupe Medvedkine de Besançon, L'ordre règne, Le moindre geste, On vous parle du Brésil: témoignages, 11 juin 1968, On vous parle de Paris: les mots ont un sens, On vous parle d'Amérique latine: message du Che, La bataille des dix millions, La terrifiante diablerie de Petrifix, Marighela  et La chose jugée.

Dans l'article de Bertrand Duffort et Michel van Zele, publié en avril 1971 dans La revue du cinéma / Image et son, l'ordre des numéros de On vous parle de... est le suivant2:

  • n° 1: On vous parle d'Amérique latine: le message du Che à la Tricontinentale. Illustré d'images des luttes de libération dans le monde, c'est le texte du message capital d'Ernesto Guevara à la conférence Tricontinentale, rendu public en mai 1967: "Créé deux, trois, de nombreux Viêt-Nam, voilà le mot d'ordre!" A la fois le testament du Che et le résultat de ce qu'est, débarrassé de la mythologie des posters, le guévarisme.
  • n° 2: On vous parle de Grèce: "ce n'est qu'un début". Film tourné clandestinement par des résistants grecs: au lendemain du référendum truqué des colonels, le peuple d'Athènes donne un démenti à la propagande du régime en manifestant dans la rue, pendant les funérailles de Papandréou, au crie de "Démocratie!". [mais semble-t-il, ce film n'a jamais été achevé]
  • n° 3: On vous parle du Brésil: témoignages. Les prisonniers politiques libérés grâce au kidnapping de l'ambassadeur des Etats-Unis témoignent de ce qu'est l'institutionnalisation de la torture au Brésil. Un témoignage à méditer chaque fois que les problème de kidnapping et des otages se trouvera posé. (voir ci-dessous)
  • n° 4: On vous parle d'Italie: "anars". Au moment où le gouvernement italien, après les attentats de Milan, livre les anarchistes en pâture à l'opinion publique, quelques-uns d'entre eux rejettent publiquement ces accusations et font entendre l'éternelle voix libertaire, celle dont on a dit: "A n'écouter qu'elle, toute lutte perd sa force, mais à ne l'écouter jamais, toute lutte perd son sens." [autre film qui n'a finalement pas vu le jour?]
  • n° 5: On vous parle de Paris: les mots ont un sens. L'éditeur François Maspero parle de son métier et des choix qu'il implique. Comme il sied à un éditeur, cela se divise en chapitres: introduction, sélection, information, récupération, contradiction... Maspero reprend à son compte la formule de Nizan: "Trahir la bourgeoisie en utilisant ses propres armes!". "Je suis un bourgeois qui trahit la bourgeoisie et qui lutte pour la trahir toujours mieux."
  • n° 6: On vous parle de Lille, du temps: le deuxième procès d'Artur London. Artur London, survivant du procès Slansky, a apporté son témoignage sur l'univers stalinien dans son livre L'Aveu, et donné sa caution au film qu'en ont tiré Costa Gavras et Jorge Semprun. "Le livre avait provoqué des remous, mais c'était un livre, donc un instrument relativement peu nocif pour les masses. Le film, c'est autre chose. Où va-t-on, si on se met ainsi à balancer des vérités premières dans le public, sans les soumettre au contrôle de ceux qui savent ce qui est bon pour le peuple?" C'est sur le débat ainsi ouvert (et qui va bien au-delà du film) que prennent position Jorge Semprun, Costa Gavras, Yves Montand, Simone Signoret et Artur London lui-même. Leurs interventions sont accompagnées de scènes de tournage de L'Aveu, de prises de vues authentiques du procès Slansky et de documents sur les conséquences du film à Prague, où Artur London s'est vu exclu du Parti et privé de la nationalité tchécoslovaque, en 1970, au nom d'accusations qu'auraient pu signer ses bourreaux de 1952 - et qu'ils ont peut-être signés.
  • n° 7: On vous parle de Flins. Lorsqu'un groupe de jeunes gens envahissent une mairie (ici celle de Meulan), cassent des chaises, distribuent des tracts et prononcent une harangue, une série de mécanismes protecteurs se mettent en marche: on parle de "commando", de "saccage", de "casseurs", voire de "provocation gauchiste". Il faut un procès public, huit mois plus tard, pour qu'on découvre que cette action n'était que la plus spectaculaire parmi toutes celles qui cherchaient à alerter l'opinion autour d'une affaire infiniment plus grave et infiniment plus violente: le trafic d'embauche perpétré quasi-impunément à l'égard des travailleurs immigrés dans la région de Flins. Les témoins du procès ont renouvelé leurs témoignages devant la caméra, les militants condamnés (3 ans et 6 mois avec sursis) ont tiré leurs conclusions: le spectateur se trouve ici devant une question concrète, qui ne permet aucune échappatoire.

D'autres ont été envisagés par la suite: Belgique (les travailleurs turcs), États-Unis ("lettre aux Blancs"), Argentine (la semaine de Cordoba), Uruguay (les Tupamaros), Haïti...3, mais seul On vous parle du Chili: ce que disait Allende  de Miguel Littin (voir "Filmographie: participations") et ce On vous parle du Brésil: Carlos Marighela de Chris Marker, ont été finalement réalisés, comme nous l'a confirmé Inger Servolin4.

"Le 4 novembre 1969, Carlos Marighela est attiré dans une embuscade et tombe sous les balles de 80 policiers armés de revolvers et de mitraillettes. La dictature le considérait comme l'ennemi public n° 1 et espérait en l'assassinant en finir avec la guérilla urbaine très active alors au Brésil. Ce film fait un an après sa mort retrace, à travers le témoignage de ses camarades de luttes et de ses amis, la vie et l'histoire politique de Carlos Marighela."5

Le film commence par ces mots:

"Lorsque la télévision donnera aux choses et aux gens leur vraie place, on y entendra par exemple ceci: nous somme le 4 novembre 1970; il y a un an, Carlos Marighela tombait assassiné par le régime le plus abject qu'on puisse trouver sur cette planète: la dictature des généraux du Brésil. Un de ses camarades qui a vécu la vie de son groupe nous parle de lui..."

Cette approche est évidemment une approche de gauche. Une vision neutre ou objective dirait que tortionnaires assassins de droite (escadrons de la mort, militaires de la dictature) et terroristes armés révolutionnaires de gauche (Ação libertadora nacional) se valent, tous deux privilégiant largement la violence plutôt que la discussion politique et la diplomatie. En effet, dès le départ, "Marighella propose une action radicale et immédiate contre la dictature militaire en place au Brésil depuis le putsch de 1964. En d'autre termes, il défend la lutte armée et la guérilla comme moyen d'action politique"6 et rédige le Manuel du guérillero urbain (1969).
Cependant, bien plus que l'utilisation de la force, le véritable problème est ici la télévision. Celle-ci, hier, tout comme aujourd'hui, ne joue pas son rôle d'informateur neutre et tend à parler des premiers positivement, suivant la version officielle de l'État français, plutôt enclin à suivre les USA que l'URSS, donc les régimes autoritaires de droite plutôt que les groupes révolutionnaires de gauche. Pire encore, elle tend à ignorer volontairement ou noircir les actions des seconds.
Quoiqu'il en soit, l'idée de ce court métrage, intitulé à l'origine Carlos Marighela  et non encore intégré dans la série On vous parle..., semble être venue à Marker, ou du moins aux membres de SLON, à la lecture d'un texte publié le 15 décembre 1969, sous le titre "Une organisation brésilienne révèle la vérité sur l'assassinat de Marighela" (voir ci-dessous) qui décrit pas à pas la mise en place de l'assassinat du leader de gauche brésilien.
À noter que ce film, bien que réalisé en 1970, est déposé au CNC le 30 décembre 1974 à la suite de la fondation d'ISKRA en France (SLON étant en Belgique), et les contrats ont été signés dans le courant du mois. Le temps de travail pour le tournage et les banc-titres est estimé à une semaine. La demande d'autorisation de production est datée du 22 janvier 1975. Le 26 juin de la même année, le Secrétariat d'État à la culture autorisera l'ISKRA a tourner les films suivants:

  • Carlos Marighela
  • Les lignards
  • On vous parle de Films7
  • On vous parle du Brésil  (probablement "Tortures")

Une organisation brésilienne révèle la vérité sur l'assassinat de Marighella
Santiago du Chili, 14 décembre (PL) - Le Front Brésilien d'Information a fait parvenir à Prensa Latina un document dénonçant la façon dont a été assassiné le dirigeant révolutionnaire Carlos Marighella, ainsi que les tortures et la politique de répression du régime militaire brésilien.
Sous le titre "La vérité sur la mort de Marighella", le document déclare textuellement:
"Le régime militaire brésilien a essayé, au moyen de fausses informations publiées dans sa presse censurée et à l'étranger, de dénaturer la réalité sur l'assassinat de Carlos Marighella, fondateur de l'Alliance de Libération Nationale, perpétré le 4 novembre 1969, à Sao Paulo.
Selon les informations recueillis par les organisations de la résistance, les évènements qui ont abouti à la mort du leader révolutionnaire sont les suivants:
Le samedi 1er novembre, Ivas Lesbeaux Pins et Fernando Brito, moines dominicains qui hébergeaient des militants de l'ALN, ont été arrêtés à Rio de Janeiro, grâce aux renseignements arrachés après d'horribles tortures à l'étudiant Paulo de Tarso Wenceslau, de Sao Paulo.
Conduits à CENIMAR (Centre d'Informations de la Marine), situé au troisième étage du ministère de la Marine, les deux moines ont été torturés par des agents de la Police Politique et des officiers commandés par Sergio Paranhos Fleuryn, un des fondateurs de l'"Escadron de la mort", à Sao Paulo.
Les militants des organisations révolutionnaires ont la consigne de résister aux tortures pendant au moins 24 heures. A l'aube du dimanche 2 novembre, les deux moines ont fini par céder et ont indiqué le numéro de téléphone et le mot de passe utilisés pour fixer les rendez-vous avec Marighella.
La ligne téléphonique a été branchée sur une table d'écoute, ce qui a permis d'intercepter, dans la matinée du 4 novembre, la communication à partir de laquelle l'embuscade allait être tenue. Le fait qu'on ignorait à Sao Paulo que les moines avaient été arrêtés a été déterminant dans le cours des évènements. Les détenus se trouvaient toujours à Rio de Janeiro, à cause de leur mauvais état de santé.
A 20 heures, deux autres religieux, qui appartenaient également au groupe de soutien, devaient se trouver au lieu de rendez-vous. Ne se doutant pas du piège, Marighella arrivait à pied; c'est dans la rue qu'il a été assassiné.
Les moines ont essayé de s'enfuir, mais ils ont été immédiatement arrêtés. Quelques coups de feu ont été tirés, horizontalement, contre les vitres de la voiture des moines et le corps de Marighella a été traîné sur le siège arrière, où il a été photographié dans une position invraisemblable, les jambes hors de la voiture.
La version officielle selon laquelle les moines, complices de la police, se seraient couchés sur le plancher de la voiture, est fausse. Quiconque a déjà vu une Volkswagen comprendra qu'il est impossible que deux personnes puissent se protéger en se dissimulant sur le siège avant, alors qu'au moins onze coups de feu ont été tirés sur la voiture (six ont atteint Marighella et cinq ont perforé les vitres), sans les blesser. Deux policiers ont été touchés par des balles de leurs propres collègues qui tiraient sur les révolutionnaires dans plusieurs directions.
Les versions de la police, selon lesquelles les Dominicains auraient été ses complices dans la préparation de l'embuscade, ont pour objectif d'éveiller la méfiance des militants non chrétiens à l'égard des chrétiens qui font partie de la résistance et luttent pour la libération du Brésil."
Aricle publié le 15 décembre 1969

Générique (archives ISKRA)
réalisation, scénario et montage: Chris Marker
opérateur banc-titre: Paul Bourron
laboratoire: VITFER (Paris)
production: ISKRA (Paris)

Distribution: ISKRA

Commentaire / scénario: non édité

Carlos Marighela CH2_2013.pdf

Notes
1 "SLON, un cinéma de lutte" (documents réunis par Bertrand Duffort et Michel van Zele), La revue du cinéma / Image et son, n° 249 (04/1971), p. 44
2 Il est semblable à celui du catalogue SLON de 1971-1972 dont les numéros sont, respectivement 0112 à 0117 et 0146.
3 Bertrand Duffort et Michel van Zele, 1971, p. 44-48
4 Discussion tenue avec Inger Servolin, à Genève, le 02 février 2014, à l'occasion de la projection au cinéma Spoutnik du Fond de l'air est rouge. Elle nous a précisé par ailleurs, que seuls les films aujourd'hui au catalogue ont été réalisés, que les documents du CNC sont postérieurs, car a la suite de la fondation d'ISKRA en France, les films ont été enregistrés au CNC, et qu'enfin, les noms des personnes mentionnées sur les contrats sont généralement des "prêtes noms", en remplacement des véritables techniciens qui n'avaient alors pas la carte du CNC. Nous la remercions ici vivement pour les informations qu'elle a bien voulu nous transmettre, avec une grande gentillesse.
5 Synopsis du DVD ISKRA.
6 Tiré de wikipédia.fr
7 Probablement On vous parle de Flins.

Bibliographie

  • (FR) Ignacio RAMONET, "Royan 1974", Écran, n° 25 (05/1974), p. 14-17
  • (PT) Rodrigo FONSECA, "Marighella, uma cruzada celebrizada no cinema", O globo, n° n/a (13/08/2013), en ligne  (web)

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On vous parle du Brésil : tortures

1970 - France - 23'47 - 16 mm - N&B
Le 4 février 1970 est publié un texte intitulé "Quinze femmes brésiliennes révèlent les tortures barbares dont elles ont été victimes", à la suite de leur incarcération sur l'Ilha das Flores. Il s'agit, en fait, d'une lettre datée du 8 décembre 1969, envoyée au Chili, le 3 février, par l'intermédiaire du Front Brésilien d'Information situé à Paris, au bureau de Prenza Latina, une agence de presse latino-américaine (voir ci-dessous).
C'est, semble-t-il, à partir de ce texte que Marker écrit le scénario de ce numéro intitulé On vous parle du Brésil: tortures, qui apparaît dès avril 1970 dans le contrat liant SLON et SAGA, troisième numéro du magazine de contre-information produit par SLON, initialement intitulé "On vous parle du Brésil: témoignages"1, d'après diverses sources, dont le catalogue SLON 1971-1972. Le film est immatriculé au CNC le 30 décembre 1974 et les contrats de production sont "post-"signés. Il reçoit une mention de qualité le 17 juillet, par le secrétariat à la Culture, ce qui lui permet d'obtenir une aide financière de l'État.
En fait, le témoignage des 15 femmes originellement prévu est remplacé par une série de nouveaux témoignages sur les mêmes tortures.

"Le 4 septembre 1969, un groupe de révolutionnaires brésiliens enlève l'ambassadeur des Etats-Unis. En échange de sa libération, ils demandent que les autorités brésiliennes publient un manifeste qu'ils fournissent, et libèrent 15 prisonniers politiques dont ils donnent la liste. A leur arrivée à Cuba, après leur libération, ces 15 prisonniers qui ont ainsi échappé à la torture et probablement à la mort, témoigneront de ce qu'ils ont vu et vécu dans les prisons brésiliennes."2

Dans les faits, les prisonniers libérés sont envoyés au Mexique où une partie d'entre-eux s'envolent immédiatement pour Cuba.
Arrivés là, leurs témoignages sont filmés sobrement: quelques plans d'ensemble (tous sont assis dans une pièce sur des chaises formant un demi-cercle), après leur arrivée, puis des gros plans du visage, voire des mains qui expriment tout autant l'émotion face à ce souvenir de l'horreur. Chacun, tour à tour, prend la parole et raconte. Une seule femme est parmi eux et l'attention du caméraman se fixe attentivement sur elle, dont le visage se fige au souvenir des moments vécus. Mais les témoignages sont les mêmes: coups et électrocution sur les parties sensibles du corps, passage au pau-de-arara, suivant lequel la victime est pendue par les pieds et les mains et reçois des coups ou des décharges électriques sur tout le corps, torture psychologique soit par des fausses exécutions soit par la présence des proches (femme, enfants...) durant la séance de torture, etc.
L'information ainsi donnée est directe, sans fioriture, ni excès d'émotions gratuites.
Le film ne vise pas les pouvoirs en place aussi directement que la lettre des quinze femmes. Ce sont avant tout les tortionnaires et leurs formateurs (des agents de la CIA et de l'armée américaine) qui sont en cause. La lettre, elle, précisait que ces révélations avaient été transmises au général Emilio Garrastazu Médici, chef du régime militaire, à Monseigneur Mozzoni, nonce apostolique, et à Monseigneur Jaime de Barros Camara, cardinal de Rio de Janeiro, et que "le seul effet concret de cette dénonciation a été une censure plus sévère de la presse et l'interdiction à toutes les mass-media de faire allusion à des tortures."
R. S. Rose, dans son ouvrage The unpast: elite violence and social control in Brazil, 1954-20003 décrit simplement la situation "officielle" et la position du général Médici et de son entourage.

"Often called "Milito" (a variation of "Little Emilio"), Médici, like each of his predecessors, promised to restore the country's democratic institutions. What Milito did do was run the most lethal apparatus ever assembled in Brazilian history. Opponents of his regime were hunted down, tortured, and killed, along with their wives, husbands, children, parents, brothers, sisters, friends, and sometimes even those who simply happened to be in a suspected terrorist's personal address book. At one point, Médici's ex-Integralist minister of justice, Alfredo Buzaid, formally denied to the press that the torturing of political prisoners was taking place in Brazil. He then invited foreign correspondents to come to the country and verify the government's statement. The following week, however, Buzaid said that he had never made the invitation." (p. 176-177).

Quinze femmes brésiliennes révèlent les tortures barbares dont elles ont été victimes.
Santiago du Chili, 3 février (PL) - Quinze Brésiliennes ont adressé au bureau Prenza Latina, au Chili, une lettre dans laquelle elles décrivent les tortures brutales et les violences dont elles ont été victimes dans la prison de l'Ilha das Flores [près de Rio de Janeiro].
Cette missive a été envoyée par l'intermédiaire du Front Brésilien d'Information, qui a son siège à Paris; datée du 8 décembre 1969, elle relate les faits suivants:

  • Zilfa Resnik, 22 ans, arrêtée le 1er mai 1968 sous l'accusation d'appartenir au Mouvement Révolutionnaire 8 octobre (MR-8), "a été mise au secret pendant 45 jours, soit 35 de plus que le laps de temps prévu par la loi, et a été rouée de coups."
  • Rosane Resnik, arrêtée le 26 juin 1969 et accusée d'appartenir au MR-8, "a été deshabillée et rouée de coups par ses bourreaux qui lui ont fait subir des décharges électriques en différentes parties du corps, même aux seins."
  • Sina de Souza Madeiro, 20 ans, arrêtée le 6 juillet 1969, à Curitiba, également soupçonnée d'être liée au MR-8, y été forcée d'assister aux tortures infligées à son camarade Milton Gaia Leite, attaché au pau-de-arara (la victime, pendue à un pieu par les pieds et les mains, est rouée de coups et reçoit des décharges électriques: ses cris de douleur sont étouffés par la musique assourdissante d'un poste de radio).
  • Transférée à l'Ilha das Flores, "Sina a été torturée comme les autres: coups, décharges électriques et menaces de viol après avoir été forcée de se déshabiller."
  • Au poste du Département d'Ordre Politique et Social (DOPS, police politique) de Curitiba, on lui a dit que son mari, arrêté deux mois plus tôt, était mort, ce qui l'a profondément éprouvée. Cette nouvelle a été démentie postérieurement.
  • Maria Candida de Souza Gouvela, 22 ans, arrêtée le 9 juillet 1969, à Rio de Janeiro, soupçonnée d'être liée au MR-8, "a également été déshabillée et battue avec une telle violence qu'elle en eut un doigt fracturé, comme le prouvent les photos de presse qui accompagnaient l'article publié à l'époque sous le titre Cas MR-8".
  • Marta Mota Lima Alvarez, 20 ans, arrêtée le 3 juillet 1969, accusée elle aussi d'appartenir au MR-8, "a été battue et rouée de coups de pied, à Curitiba. Elle a eu une cheville et un poignet démis. Tout comme les autres, elle a été forcée à se déshabillier."
  • Marijana Viera Lisboa, 22 ans, arrêtée le 2 septembre 1969, à Rio de Janeiro, sous l'accusation d'appartenir au mouvement "Action Populaire", "a été forcée à se déshabillier ; rouée de coup, elle a reçu des décharges électriques qui l'ont fait s'évanouir car elle souffre d'une maladie du coeur."
  • Marcia Savaget Fiani, 24 ans, arrêtée le même jour à Rio de Janeiro sous la même inculpation, "a été également forcée à se déshabillier, a reçu des coups et des décharges électriques alternées avec des douches froides pour en augmenter la puissance; elle fut frappée d'une paralysie partielle des doigts de la main. Elle resta quatorze jours au secret."
  • Olange Maria Antana, 25 ans, arrêtée le 2 juin 1969 à Rio de Janeiro, accusée d'appartenir à l'Action Populaire, "a elle aussi été déshabillier de force, a reçu des coups et des décharges électriques alternées avec des douches froides, ce qui lui a fait perdre temporairement la raison."
  • Ilda Brandle Siegl, 25 ans, arrêtée le 29 octobre 1969 à Rio de Janeiro, "a reçu comme les autres des coups et des décharges électriques sur tout le corps, même sur les seins."
  • Maria Elodia Alencar, 18 ans, arrêtée le 30 octobre 1968 à Rio de Janeiro, "a reçu comme les autres des coups et des décharges électriques; elle a été victime d'une tentative d'étranglement; une partie de ses déclarations présentées en justice a été faite sous l'effet de décharges électriques."
  • Priscilia Bredariol, 23 ans; Vania e Manhoto, 24 ans; Victoria Pamplona, 26 ans, toutes trois de la Jeunesse Etudiante Catholique, ont été arrêtées le 31 octobre 1969; soumises à des tortures et des violences, elles ont été forcées "à entendre les cris de Celso de Bredariol (mari de Priscilia) et de Geraldo de Azevedo (fiancé de Vania), torturés dans un bureau du CENIMAR (Centre d'Information de la Marine).
  • Dorma Teresa de Oliveira, 25 ans, arrêtée le 30 octobre 1969 à Rio de Janeiro, "a subi les mêmes sévices que dans les autres cas; et, en plus des coups et des décharges électriques, elle a été victime de tentative d'étranglement et d'asphyxie; on lui a meurtri les seins avec des tenailles et enfoncé une pince sous les ongles."
  • Marta Maria Klag Brunn, 22 ans, arrêtée le 2 septembre 1969 à Rio de Janeiro, "a été plusieurs fois menacée d'avoir à assister aux tortures de son mari, Victor Hugo Klag Brunn, attaché au pau-de-arara."

La lettre ajoute plus loin: "Nous pourrions citer plusieurs autres cas, parmi lesquels celui du leader étudiant Jean Marc Vanderweld (président de l'Union de Etudiants) qui a subi des coups, des tortures du pau-de-arara et des décharges électriques à la tête pendant six jours; il a eu un tympan crevé et il n'est pas encore remis des troubles neurologiques provoqués par ces sévices."
Celso Bredariol et Mario Fonseca Neto ont été soumis aux mêmes tortures; ce dernier a été attaché, de même que Milton Gaia Leite, à ce qu'on appelle le galeto (une pique placée sous le pau-de-arara).
Des cas de ce genre se reproduisent sans cesse.
La lettre révèle encore que ces tortures sont pratiquées dans l'Ilha das Flores, dans les bâtiments du CENIMAR, du DOPS de Rio de Janeiro et de Curibita; elle ajoute que les bourreaux se dissimulent sous des pseudonymes.
Le Front Brésilien d'Information ajoute au bas de la lettre une note précisant que ces révélations ont été transmises au général Emilio Garrastazu Médici, chef du régime militaire, à Monseigneur Mozzoni, Nonce Apostolique, et à Monseigneur Jaime de Barros Camara, cardinal de Rio de Janeiro, et que "le seul effet concret de cette dénonciation a été une censure plus sévère de la presse et l'interdiction à toutes les masses media de faire allusion à des tortures." Publié le 4-2-1970

Générique (archives ISKRA)
réalisation et scénario: Chris Marker
montage: Valérie Mayoux
assistante montage: Aline Queant
opérateur banc-titre: Paul Bourron
laboratoire: VITFER (Paris)
production: ISKRA (Paris)
voix off: Bernard Fresson (introduction et conclusion)

Distribution: ISKRA

Commentaire / scénario: non édité

Brésil _ Tortures CH2_2013.doc

Notes
1 D'après le catalogue SLON 1971-1972.
2 Synopsis du DVD produit par l'ISKRA.
3 R. S. Rose, The unpast: elite violence and social control in Brazil, 1954/2000, Athens (Ohio): Ohio University Press, [2005]

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On vous parle de Paris : Maspero, les mots on un sens

1970 - France - 19'22 - 16 mm - N&B
Pour revenir à l'épisode sur Maspero, les contrats pour On vous parle de Paris: les mots ont un sens. François Maspero sont signés en mars 1970. La location du matériel est devisée pour trois jours et la salle de montage pour deux semaines. L'interview du directeur de la librairie "La joie de lire" fondée en 1955 et des Éditions Maspero fondées en 1959 peut commencer. Aussi, le film consiste essentiellement en un montage à partir d'une interview de François Maspero qui raconte son métier d'éditeur-libraire1, et dont le catalogue est ancré à gauche, mais pas seulement, et qui surtout offre une information non-officielle, souvent plus correcte et véritable que celle donnée par les médias. D'où sa place dans la série.
On vous parle de Paris: les mots on un sens, de même que la majeure partie des épisodes de ce magazine, obtiendra en mai 1972 une aide financière du Ministère des affaires culturelles, après obtention de la mention de qualité.
Cependant, Freddy Landry nous apprend dans le journal suisse La lutte syndicale, du 3 mars 1971, que "L'ORTF avait commandé au cinéaste Chris Marker un reportage sur l'éditeur François Maspero, spécialiste des écrits révolutionnaires (mais il ne fait pas que cela). Chris Marker, qui parle d'un homme dont certainement il se sent proche, eut pour Maspéro le regard lucide de l'amitié admirative. La TV romande sut accueillir (vendredi 26) cette émission qui aurait été rejetée par l'ORTF comme trop engagée".

"Un éditeur, ça se définit par son catalogue."
Dans ce film, François Maspero, Fanchita Maspero et leurs collaborateurs, parlent de leur maison d'édition, des livres qu'ils fabriquent et de la manière dont ils conçoivent leur travail. (synopsis DVD ISKRA)

Notons encore que dans son livre (autobiographie?) Les abeilles et la guêpe paru en 2002 aux éditions du Seuil, Maspero revient sur le tournage de l'épisode du On vous parle de... qui lui était consacré, en ces mots: "Au tournage, Chris Marker avait tenu compte de toutes les suggestions, de toutes les initiatives. Les idées de chacun étaient prises en compte de façon égale. (...) Dans toute cette diversité que je viens de dire, Chris Marker, maître d'oeuvre et maître de son oeuvre a fait un choix"2.

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Générique (archives ISRKA)
réalisation et montage: Chris Marker
assistant réalisateur: André Pozner
assistante monteuse: Michèle Wolf
chef opérateur: Pierre Dupouey
preneur de son: Jean-François Chevalier
production: SLON (Bruxelles) / SAGA (Paris)

Distribution: ISKRA

Commentaire / scénario: non édité

Les mots ont un sens CH2_2013.pdf

Note
1 Maspero éditera le scénario du Fond de l'air est rouge en 1978.
2 François MASPERO, Les abeilles et la guêpe, Paris: Le Seuil, 2002, p. 261; mentionné dans l'article de Camille JOSEPH, "Charisme et souffrance de l'éditeur politique: François Maspero", Théologiques 17, n° 1 (2009), p. 80, n. 2.  (web)

Bibliographie

  • (FR) anonyme, "Epingle: Un vendredi rouge à la télévision", Valais demain (CH), n° 6 (19/02/1971), p. 12  (web)
  • (FR) anonyme, "La voix au chapitre", Le confédéré (CH), n° 47 (26/02/1971), p. 3  (web)
  • (FR) anonyme, "La voix au chapitre", La liberté (CH), n° 124 (26/02/1971), p. 15  (web)
  • (FR) Pierre FOURNIER, "Coup d'oeil sur le petit écran", Le nouvelliste (CH), n° 49 (27/02/1971), p. 13  (web)
  • (FR) Freddy LANDRY, "Informations littéraires", La lutte syndicale (CH), vol. 52, n° 9 (03/03/1971), p. 6  (web)
  • (RU) Alexandra BOCANCHA, ["Les mots ont un sens...: série de reportages de Chris Marker "On vous parle de...""], cinecticle.com, 12/02/2020, en ligne  (web): en russe

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On vous parle de Prague : le deuxième procès d'Artur London

1971 - France - 30'05 - 16 mm - N&B
À la suite de la parution du livre autobiographie, L'aveu: dans l'engrenage du procès de Prague (1968) d'Artur London, un mini-séisme est sur le point de sévir dans les milieux de gauche et d'extrême gauche français. London connaît alors une campagne active de discrédit et de calomnie. De leur côté, Costa-Gavras et Jorge Semprun décident d'adapter au cinéma le témoignage de ce communiste tchécoslovaque déchu. L'impact du film est dès lors immense, au contraire de celui du livre, plus confiné, car le film touche directement la multitude, les "masses". Et l'impact est d'autant plus fort que deux des personnalités les plus influentes du moment sont les acteurs principaux du film, à savoir Yves Montand et sa femme Simone Signoret. Le séisme secoue sans compromis et durablement la politique française, et isole de plus en plus le Parti communiste français (PCF), particulièrement du côté des intellectuels, dont bon nombre rendent leur carte.
L'aveu ce n'est ni plus ni moins qu'une dénonciation du stalinisme, en bonne et due forme. Costa-Gavras en avait pris connaissance au cours du dîner de Noël, chez Claude Lanzmann, alors qu'il travaillait au montage de Z  (1969) (le premier volet d'une trilogie sur les dérives des totalitarismes, qui raconte l'assassinat par des fascistes d'un député de gauche grec, acte qui mène au régime des colonels; un premier volet qui vaut à Costa-Gavras d'être vivement attaqué par la droite).
L'aveu, c'est l'histoire d'une injustice flagrante.

"À Prague, en 1951, un haut responsable politique tchécoslovaque, Artur London, se retrouve accusé d'espionnage au profit des États-Unis. Tout est fait pour lui extorquer des aveux de crimes qu'il n'a pas commis. Brisé par la torture - on l'empêche de dormir et de s'arrêter de marcher - il finit par avouer au tribunal des crimes qu'il n'a pas commis en récitant un texte d'aveux que ses bourreaux lui ont fait apprendre par cœur."

Condamné à la prison à vie, alors que ses 13 compagnons d'injustice sont pour la plupart condamnés à mort et pendus, Artur London est finalement réhabilité en 1956. En 1963, il émigre vers la France et s'il condamne le stalinisme, il restera fidèle à l'idéal communiste de sa jeunesse. Cependant, ces procès de Pragues, montés de toute pièce, telles des pièces de théâtres où condamnés et juges apprennent leur texte par coeur, mettaient en évidence une décision émanant du plus haut de la hiérarchie, à savoir Staline en personne, levant le voile sur une politique des plus négatives, une dictature pure.
Pour ce film, tourné à Lille, Yves Montand, qui joue le rôle de London, perd 17 kilos. Chris Marker, lui, est photographe de plateau. Il profite de l'occasion pour réaliser le 6ème épisode de la série On vous parle de..., même si l'essentiel du film est tourné avant l'accord entre SLON et SAGA dont les contrats sont signés en novembre 1969. Le devis prévoit une location du matériel pour quatre jours et la salle de montage pour trois semaines. Inscrit quelques années plus tard au CNC, à la suite de la fondation d'ISKRA, le 11 juillet 1972, le film obtient une prime à la qualité du Ministère des affaires culturelles.
Dans cet épisode, Marker interview Costa-Gavras, Yves Montand, les techniciens du film, ainsi qu'Artur London qui se rend en personne sur le plateau. Un témoignage direct se pose alors sur une reconstitution "historique". Le malaise est cependant pregnant. Fait-on bien de montrer les dérives du stalinisme? Ne vaudrait-il pas mieux ne rien dire, garder l'information secrète, sous peine de mettre en péril le Parti?
Ces questions apparaîtront clairement dans un autre court métrage intitulé Jour de tournage  (1969) co-réalisé par Marker et Pierre Dupouey, et qui relate une journée du tournage de L'aveu, sans aucun commentaire.

Sur le plan historique, ces procès et le témoignage de London, sont aujourd'hui remis en question par certains historiens, dont le tchèque Karel Bartosek, avec son ouvrage Les aveux des archives. Prague - Paris - Prague (1948-1968) (Le Seuil, 11/1996). Basant ses recherches sur des documents d'archives, ce derniers estime que la version de London est plus proche du "roman" conçu de toute pièce, une "commande" prémédité, que le témoignage d'une réalité vécue, car, pour lui, London aurait été "une sorte de commissaire rouge avant d'être victime à son tour du régime". En fait, la difficulté est qu'il existe plusieurs manuscrits de la main de London, comme le résume très bien le quotidien libanais L'Orient - Le jour  à la même date1. D'ailleurs, la femme de London, Lise, publie le carnet initial à l'origine du film, écrit par son mari, chez Gallimard2 et lui joint une préface dans laquelle elle dénonce une "campagne pleine d'ignominies"3.

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Déclaration de l'Amicale de Mauthausen
L'Amicale française des déportés de Mauthausen s'élève avec indignation contre les accusations portées par la radio et la presse tchécoslovaques, et reproduites par la presse française, contre Artur London à propos de son attitude au camp.
Les anciens de Mauthausen, seuls témoins valables du comportement d'un des leurs, s'élèvent avec vigueur contre les allégations erronées et calomnieuses qui insinuent qu'Artur London aurait été "bien noté par les SS", se serait attribué l'identité d'un détenu décédé, etc. Artur London (matricule 60758) a toujours été connu au camp sous sa véritable identité et sa nationalité tchèque; il fut l'un des organisateurs efficaces de la Résistance et profita de sa connaissance de l'allemand pour sauver un grand nombre de nos camarades français; ce ne sont pas les Américains, mais la Croix-Rouge internationale et le comité international du camp, qui prirent la décision d'évacuer Artur London.
Le bureau de l'Amicale renouvelle à Artur London, dit "Gérard", l'expression de sa gratitude pour les services rendus à ses camarades, particulièrement aux Français. Au nom de la fraternité de combat qui unissait les déportés tchèques et français, il demande aux responsables tchécoslovaques de désavouer publiquement les propos diffamatoires concernant l'attitude d'Artur London au camp de Mauthausen."

Unir pour le socialisme - Débat. Pour le redressement démocratique et révolutionnaire du P.C.F., n° 46 (10 octobre 1970), p. 1

Générique (archives ISKRA)
réalisation et montage: Chris Marker
assistant réalisateur: André Pozner
chef opérateur: Pierre Dupouey
assistante monteuse: Michèle Wolf
production: SLON (Bruxelles) / SAGA (Paris)

Distribution: ISKRA

Commentaire / scénario: non édité

Pragues Artur London CH2_2013.pdf

Note:

1. anonyme, "La polémique rebondit sur la véracité de l'aveu d'Artur London", L'Orient - Le jour, n° n/a (12/04/1997), en ligne  (web)
2. "Présentation" de Lise London, in Artur LONDON, Aux sources de  L'aveu, Paris: Gallimard, 03/1997, p. n/a
3. AFP, "Décès de Lise London, veuve d'Artur London, héros de L'aveu", L'express, n° n/a (01/04/2012), en ligne  (web)

Bibliographie

  • (FR) Alain REMOND, Yves Montand, Paris: Henri Veyrier, 1977, p. 195
  • (GB) John RAIMO, "Prague '68 and the end fo time", Journal of the history of ideas - Blog, 18/05/2015, en ligne  (web)
  • (FR) Guillaume NARGUET, "Il y a 60 ans, les aveux et les verdicts des Procès de Prague", Radio Prague international, 27/11/2012, en ligne  (web)

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Le train en marche

1971 - France - 32' - 35 mm - N&B
Toute l'histoire du Train en marche  est racontée dans l'entretien de Chris Marker accordé à Anne Philippe et intitulé "Medvekine, tu connais?", paru dans le quotidien Le monde  du 2 décembre 1971 et complété par le numéro 120 de L'avant-scène cinéma, consacré au Bonheur  d'Alexandre Medvedkine (1934). Deux textes essentiels auxquels nous renvoyons et dont nous donnons ici un aperçu synthétique.1
En 1967, lors d'une rétrospective accordée au cinéma soviétique, de la Révolution d'octobre à Boris Barnet, Chris Marker et Jacques Ledoux, directeur de la Cinémathèque de Bruxelles, découvrirent par hasard ce qui allait devenir dès lors un des chefs-d'oeuvre du cinéma muet: Le bonheur  d'Alexandre Medvedkine. Une découverte pour sûr, qui poussa Marker à chercher à savoir qui était Medvedkine et surtout s'il était encore vivant.
À cette époque, les spécialistes du cinéma, tel Georges Sadoul2, ne le mentionnaient pas dans leurs travaux, à l'exception de Jay Leyda, qui connaissait très bien le cinéma soviétique pour avoir étudié à Moscou, séjour durant lequel il avait non seulement eu l'occasion de voir de nombreux films, de dépouiller les archives et autres bibliothèques, et surtout d'avoir pu rencontrer nombre de techniciens du cinéma soviétique. Le résultat fut condensé dans son Kino, histoire du cinéma russe et soviétique  (1959, revue en 1971), dans laquelle il relatait, avec détails, l'expérience du "ciné-train" (voir ci-après), une expérience politique d'agitprop, d'un cinéma militant, réalisée entre le 25 janvier 1932 et le 15 janvier 1933, au moment où le cinéma sonore faisait son apparition aux États-Unis, et qui a produit environ 70 films, pour la plupart perdus aujourd'hui.
Dans son article paru le 8 décembre 1971 dans Les lettres françaises, Michel Capdenac résume parfaitement le système mis en place:

"Le "ciné-train" était une unité mobile de production dont les wagons, équipés du matériel nécessaire à la fabrication des films en "circuit fermé" (depuis la prise de vues jusqu'au tirage et au montage), conçus également pour l'hébergement des 32 membres de l'équipe dans des conditions évidemment peu confortables, circulaient dans un pays en pleine effervescence, tournant sur place des films dans les usines et les kolkhozes, les présentant immédiatement au public ouvrier et paysan dans le but de les aider à mieux prendre conscience de leurs propres problèmes et à les résoudre concrètement. Chaque projection était alors suivie d'une discussion et contribuait souvent à trouver des solutions inédites, des solutions collectives, donc plus efficaces, touchant certains aspects de ce que Medvedkine appelle "la construction d'un monde nouveau"."3

De leur côté, les recherches de Marker concernant le réalisateur soviétique avançaient lentement, les informations se dévoilant au compte goutte, ceci jusqu'au Festival international du film documentaire de Leipzig de 1967, où Marker rencontre Leyda, qui lui dit: "il y a quelqu'un dans la délégation soviétique que tu dois absolument connaître, un type formidable: Alexandre Medvekine", alors invité comme membre du jury4. Marker explique simplement que ce fut le coup de foudre. Dès lors, y aurait-il un lien de cause à effet entre la fondation de S.L.O.N. en Belgique, en 1967, à l'occasion de la réalisation du film collectif Loin du Vietnam et cette rencontre, qui sait? Michel Capdenac donne un élément non dénué d'intérêt, peut-être pure coïncidence: "Slon en russe, signifie "éléphant" comme Medved, "ours". Chris Marker a joué sur ces noms d'animaux, baptisant Slon  un collectif de cinéastes militants. Mais il se trouve, par coïncidence, qu'un des proches collaborateurs de Medvedkine s'appelait Slonimovski, lequel participa à l'aventure du "ciné-train".5
Quoiqu'il en soit, en janvier 1971, Medvedkine, âgé de 71 ans, est à Paris. Marker et Pol Cèbe, un des membres du groupe militant Medvedkine de Besançon, l'accompagnent durant une semaine. Cèbe décrit la situation en ces termes:

"Chris organisait: projections et tournage. Il montrait nos films à Medvedkine et le film de Medvedkine aux militants de Bobibny (sic), et on tournait au dépôt de locomotives de Noisy-le-Sec, et Medvedkine parlait parlait parlait. / Le vieux lutteur gagnait tous ses combats par abandon, usant trois interprètes par jour. / Marker téléphonait pour en trouver un quatrième, car Medvedkine parlait encore: du cinéma, de la Révolution, de la joie de vivre son combat des années 30, de la joie des rencontres de l'année 71, du Bonheur."6

Et effectivement, Le train en marche, tourné à l'occasion de ce séjour, raconte essentiellement l'aventure du "ciné-train", une aventure qui va marquer profondément l'expérience des groupes militants d'ouvriers-réalisateurs "Medvedkine" et le cinéma de Chris Marker, dans son aspect "collectif de travail" et "information directe", suivant en cela le principe directeur du "ciné-train" qui était "Filmer aujourd'hui, montrer demain", précurseur de ce que sera la télévision.
Dans le cadre de la réalisation du Train en marche, Marker ne se contente pas de l'interview du cinéaste bolchévique. Il rassemble également une grande quantité de documents sur le cinéma soviétique et l'oeuvre de Medvedkine, qu'il monte dans une synthèse adroite et maîtrisée, des dix premières minutes, et achève son portrait en ouvrant sur la transmission, les héritiers de Medvedkine et de cette aventure du "ciné-train", à savoir les groupes français qui, en hommage, ont pris son nom et poursuive le combat de la classe ouvrière et de son rêve utopique. Mais ce n'est que lors du tournage du Tombeau d'Alexandre, que le tout formera un portrait remarquable, tout à la fois du cinéaste bolchévique et du cinéma soviétique, au sein duquel sera intégrée l'innovante et originale aventure du "ciné-train". Raison pour laquelle Marker refusera dès lors la diffusion du Train en marche, considérée comme un premier jet, un brouillon de cet autre portrait d'un "maître" et d'un ami.

En fait, à la suite de la rétrospective "Planète Marker" de 2013, réalisée par le Centre Pompidou à Paris, la revue Vertigo a publié un numéro spécial Chris Marker qui contient, entre autre, une brève correspondance entre Benoît Benollet, du Festival de Belfort, et Marker. Benollet voulait programmer "exceptionnellement" Le train en marche et Le tombeau d'Alexandre. Le 1er juillet 2002, il écrivit à Marker pour lui demander l'autorisation. Marker refusa tout net, le lendemain, par fax, pour "l'effet déjà vu, déjà entendu  qui ne peut que nuire aux deux films", expliqua-t-il. Il ajouta aussi:

"Le train  a été bricolé avec les moyens du bord, qui n'étaient pas lerche (?): pellicule volée, caméra emprutée, hasard de la présence d'un caméraman de la télé iranienne (c'est lui qui a tourné toute la partie synchrone), banc-titre fait à la main sur des pages de livres, montage la nuit dans une salle piratée, c'était le bon temps, et je ne nie pas que ce décoiffage a un certain charme, mais il y a aussi ces plans interminables de wagons quand je n'avais vraiment plus rien à me mettre sous la dent comme image, et surtout le fait que pour protéger Medvedkine - après l'avoir déterré, on n'allait pas le remettre à la merci de ceux qui l'avaient persécuté - le film est volontairement très en deçà, politiquement, de ce qui aurait déjà pu être dit à cette époque. Avec Le tombeau, je me suis défoncé comme jamais pour rendre justice à Alexandre Ivanovitch, sans ruser avec l'Histoire, et grâce au dévouement de mon réseau moscovite. J'y ai mis tout ce que voulais dire sur Medvedkine et sur l'URSS, ça a été un travail énorme, et tout ce que je demande, c'est qu'on respecte ce travail en ne le parasitant pas par une double programmation qui peut intéresser les historiens et les cinéphiles, mais qui dans ce cadre-ci serait simplement contre-productive."8

Il précise encore par un nouveau fax envoyé le lendemain:

"Dans la collection des petits trucs fauchés du Train, puisque cela vous intéresse, j'ai oublié la musique: comme il était hors de question de payer des droits d'auteur, j'ai demandé à Bonfanti d'enregistrer à l'envers une pièce symphonique, je ne sais plus laquelle d'ailleurs, et finalement ce côté asthmatique des attaques devenues sorties colle pas mal au propos."9

"Cependant, le progrès le plus important réalisé alors dans le domaine des films non joués ne tira aucun bénéfice de l'usage du son; il naquit d'un évènement qui ne semble guère enthousiasmant et que nous connaissons par un ordre du Commissariat du peuple aux transports, daté du 29 décembre 1931:

"Afin d'appliquer les décisions prises en octobre par la conférence du Comité central pan-soviétique du Parti communiste concernant l'amélioration des prestations ferroviaires et le développement de la formation technique au moyen de l'initiation visuelle aux activités fondamentales des chemins de fer, il est nécessaire d'utiliser de nouvelles méthodes et de nouvelles techniques pour la propagande technique et d'user du cinéma afin de mobiliser les masses en vue de la tâche de construction socialiste des transports ferroviaires... L'union pan-soviétique Soyouzkino-Actualité vient de mettre en service le premier train cinématographique; il s'agit d'un vrai studio roulant, parfaitement équipé pour réaliser des films tout en étant soumis aux conditions des voyages par chemin de fer. Travaillant sous les ordres du Comité Central, le train cinématographique donne, dans son plan de travail, la priorité aux questions liées aux transports par rail et son itinéraire, pour ses premiers trois mois d'activité, est spécialement organisé afin qu'il puisse se consacrer à ces problèmes..."

Ce document conclut en ordonnant à tous les cheminots de s'occuper en priorité des besoins du train cinématographique.
Le train cinématographique se composait de trois wagons: le premier était l'hôtel itinérant pour une équipe de trente-deux personnes; le second comportait une salle de projection, des placards pour les appareils et un studio pour le cinéma d'animation; enfin, l'on trouvait un laboratoire et une tireuse. Bref, tiré ou poussé par une locomotive, c'était là un studio complet qui pouvait voyager des mois sans rien recevoir de sa base de départ et sans même communiquer avec elle. C'était donc le développement logique des agit-trains  de la Guerre civile et les films qu'il réalisa, quoique bien supérieur à eux, n'étaient pas sans parenté avec les agitki  de cette époque.
Ce train fut dirigé par Alexandre Medvedkine et sans ce personnage, cette nouveauté n'eût peut-être pas donné d'aussi bons résultats. Medvedkine s'était initié au cinéma en assistant Okhlopkov pour son malheureux Chemin de l'enthousiasme  (1914) et tout ce qu'il fit depuis appartenait au même genre, mêlant dans une même comédie la satire et le fantastique. Durant la première moitié de 1931, il fit, pour le Sovkino  de Moscou, une série remarquable de pochades filmées où il traitait de divers problèmes industriels et sociaux: Arrêtez le voleur!, Quel idiot vous-êtes!, Fruits et légumes. Ces oeuvres furent prisées par Lounatcharsky qui y vit un genre nouveau mais important, et recommanda Medvedkine pour ce qui fut son nouveau poste, la direction du train. C'est ainsi que Mack Senett et Okhlopkov trouvèrent un digne héritier.
Où qu'allât ce train, Medvedkine et son équipe affrontaient une tâche complexe: ils devaient d'abord réaliser des bandes didactiques sur les questions locales, par exemple pour montrer comment vaincre l'hiver et accélérer quand même les envois des denrées alimentaires; il leur fallait, de plus, produire des films critiques sur celles des conditions particulières qu'il semblait urgent de traiter, soit selon leurs propres observations, soit selon celles des travailleurs indigènes. Dans tous les cas, le public local était le premier de leurs juges et toujours disposés à rire aux éclats devant ces satires très caustiques. Parmi ces productions "localisées", ils devaient plus tard être en mesure de choisir une anthologie susceptible d'intéresser tout le pays.
Jay LEDA, Kino, histoire du cinéma russe et soviétique, Lausanne: Édition L'Âge d'homme, 1976, p. 331-332.

22 des 32 membres de l'équipe du ciné-train

Alexandre Medvedkine (à droite) dans la salle de montage du ciné-train

Générique (début dans l'ordre d'apparition) [complété d'après Pesaro film festival. Chris Marker, p. 116]
SLON présente
Le / train / en marche
[réalisation/scénario/montage: Chris Marker]
[photographie: Jacques Loiseleux]
[voix off: Francois Périer]
Colombe d'argent au Festival du film documentaire de Leipzig (1971)
Distribution: non distribué (anciennement ISKRA)

Commentaire / scénario: dans L'avant-scène cinéma, n° 120 (12/1971), p. 2-14; traduction: (DE) Medienarbeit 27 / Video Magazin  (Hamburg), n° 20 (01/1981).

Notes
1 "Medvedkine, tu connais?", Le monde, n° 8362 (02/02/1971), p. 17 et L'avant-scène cinéma, n° 120 (12/1971). À noter que le site de l'Iconothèque russe et soviétique du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC) propose un autre film intitulé Le train en marche  de Nicolaï Karmazinskij, réalisateur soviétique, membre du ciné-train, dont Marker aurait repris le titre pour ce film (voir www.kinoglaz.fr).
2 Dans ses éditions postérieures du Dictionnaire des cinéastes, Georges Sadoul ajoutera un article sur Medvedkine. En 1990, cela donne: "MEDVEDKINE Alexandre Ivanovich RE URSS (8 nov. 1900-1989) Cavalier de l'Armée rouge, organisateur du "ciné-train" en 1932 (unité de production de films militants), réalisateurs de très nombreux longs métrages (de Le bonheur (1932) et La faiseuse de miracle  (1936) à Lettre à mes amis chinois  (1972)), Medvedkine a été, au pied de la lettre, "découvert" en France en 1971 grâce à Chris Marker qui diffusa Le bonheur, étonnante "comédie bolchévique". Il a dit de son "ciné-train" (in Revue du cinéma, n° 225): "Un de nos wagons servait au logement du groupe. Dans les deux autres, nous avions mis tous les éléments de la production d'un film. Un demi-wagon nous servait de laboratoire. Le maître en laboratoire, Cheliakov, nous garantissait la possibilité de développer jusqu'à deux mille mètres par jour. Notre principe: "Filmer aujourd'hui, montrer demain." commençait à être réalité. Un autre demi-wagon était consacré au montage: six tables auxquels venaient travailler les scénaristes et les réalisateurs [...] La salle de projection faisait deux mètres de long, la cabine de projection un mètre [...] Nous étions trente-deux enthousiastes. Le trente-troisième enthousiaste, il n'y avait pas de place pour le mettre."
3 Michel Capdenac, "Le rire au service de la Révolution", Les lettres françaises, n° 1'413 (08/12/1971), p. 13
4 ibid.
5 ibid.
6 Pol CÈBE, "Rencontre avec Medvedkine", L'avant-scène cinéma, 1971, p. 9
7 On ne remerciera jamais assez Étienne Sandrin de nous avoir amené sur le site www.kinoglaz.fr et plus particulièrement sur le texte de Berrnard Eisenshitz, véritable mine d'or pour les amoureux du cinéma russe des plus rares.
8 Vertigo, n° 46 (10/2013), p. 86
9 Ibid., p. 88.

Bibliographie

  • (FR) G. de VERICOURT, "Un bonheur retrouvé", L'express, n° n/a (22/11/1971), p. n/a
  • (FR) Pol CEBE, "Rencontre avec Medvedkine", L'avant-scène cinéma, n° 120 (12/1971), p. 9
  • (FR) F. M., "Le bonheur", L'humanité, n° n/a (01/12/1971), p. n/a
  • (FR) Jean de BARONCELLI, "Le bonheur et Le train en marche", Le monde, n° n/a (02/12/1971), p. n/a
  • (FR) Anne PHILIPPE, "Medvedkine, tu connais? Interview avec le groupe SLON et Chris Marker", Le monde, n° n/a (02/12/1971), p. n/a
  • (FR) Roger DOSSE, "Un Chaplin bolchévique - Le bonheur d'Alexandre Medvedkine", Politique hebdo, n° n/a (02/12/1971), p. n/a
  • (FR) Gilles JACOB, "Le bonheur", L'express, n° n/a (06/12/1971), p. n/a
  • (FR) Claude-Marie TREMOIS, "Le bonheur", Télérama, n° 1'143 (12/12/1971), p. n/a
  • (FR) Albert CERVONI, "Le bonheur", France nouvelle, n° n/a (13/12/1971), p. n/a
  • (FR) Michel CAPDENAC, "Le train en marche du groupe SLON et Le bonheur, film soviétique d'Alexandre Medvedkine", Les lettres françaises, n° 1'413 (14/12/1971), p. 13
  • (FR) Jean-Louis BORY, "Le bonheur", Le nouvel observateur, n° n/a (27/12/1971), p. n/a
  • (FR) Albert CERVONI, "Le bonheur", Cinéma 72, n° 162 (01/1972), p. 128
  • (FR) Jean DELMAS, "Le bonheur", Jeune cinéma, n° 60 (01/1972), p. 43-44
  • (FR) E. FUTZELLIER, "Le bonheur", L'éducation, n° n/a (23/01/1972), p. n/a
  • (FR) G. DESSON, "Le bonheur", France URSS magazine, n° 44 (01-02/1972), p. n/a
  • (FR) Marcel MARTIN, "Alexandre Medvedkine et le rire bolchévik", Écran, n° 2 (02/1972), p. n/a
  • (FR) Jacques DEMEURE, "Le cinéma soviétique d'aujourd'hui, d'autrefois", Positif, n° 136 (03/1972), p. 1-17
  • (GB) Richard ROUD, "SLON", Sight and sound, vol. 42, n° 2 (spring 1973), p. 82-83
  • (FR) Guy HENNEBELLE, "Brève rencontre avec le groupe SLON", Écran, n° 13 (03/1973), p. 36-38
  • (GB) David WILSON, "The train rolls on", Monthly film bulletin, vol 41, n° 483 (04/1974), p. 86
  • (FR) Daniel SERCEAU, "Le train en marche", Écran, n° 31 (12/1974), p. 85
  • (GB) William F. van WERT, "Chris Marker: the SLON films", Film quarterly, vol. 32, n° 3 (spring 1979), p. 38-46
  • (DE) G. G., "Le train en marche", Filmbulletin, n° 119 (02/1981), p. 24-25
  • (GB) "Interview with Alexander Medvedkine", in Richard TAYLOR / Ian CHRISTIE (ed.), Inside the film factory. New approaches to russian and soviet cinema, London / New York: Routledge, 1991, p. 165-175
  • (DE) Peter BRAUN, "Ein filmisches Palimpsest: Chris Markers neuer Filmessay Le tombeau d'Alexandre über Alexander Medwedkin", Film und Fernsehen, n° 6 (1993) / 1(1994), 1994, p. n/a
  • (GB) Dennis GRUNES, "The train rolls on  (Chris Marker, 1971)", grunes.wordpress.com, 23/12/2007, en ligne  (web)
  • (GB) Andy ROBSON, "(1971) The train rolls  on Chris Marker Le train en marche  (1971)", spiritofmarcharkin.com, 16/09/2016, en ligne  (web)
  • (FR) Robert BIRD, "Medium intimacy: the correspondences of Chris Marker and Aleksandr Medvedkin", inha.fr, 25/04/2018, en ligne  (web): conférence
  • (FR) Maroussia DUBREUIL, "Alexandre Medvedkine, locomotive de l'agitprop", Le monde, n° n/a (19/08/2018), en ligne  (web)

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L'ambassade

1973 - France - 21'16 - Super 8 - Couleur
L'ambassade, film présenté comme anonyme, est la deuxième fiction, trop souvent oubliée, de Chris Marker1. La raison: ce court-métrage se présente comme un documentaire, un "home-movie" en Super 8 montrant des gens se réfugiant dans une ambassade à la suite d'un coup d'Etat. Cette information est établie à partir du commentaire en voix off (seul son du film) et du texte: "film 8mm trouvé dans une ambassade" (unique titrage, proposé en guise de générique). Le plan final dévoile au spectateur pris en flagrant délit de "croyance trop facile à une fausse information" (développement "machiavélique" des On vous parle de...) qu'il s'agit bien d'une fiction, donc d'un film réalisé avec des "acteurs" et des "actrices", suivant un scénario plus ou moins précis, et que tout est faux, inventé, même si cela semble terriblement réel.
En conclusion de son analyse de L'ambassade, François Niney précise avec une acuité accrue que:

"Marker joue sur les deux tableaux de la fiction: d'abord nous y faire croire comme à la réalité même, ensuite nous la laisser entendre comme métaphore, par quoi elle gagne en extension ce qu'elle perd en localisation, en vérité ce qu'elle perd en réalité. La disjonction des deux termes, réalité/vérité, loin d'affaiblir le faux-semblant, lui fait produire la conjonction entre là-bas et ici: ce qui se passe là-bas nous concerne ici. En avérant le documentaire comme faux, comme fiction, il devient vrai (sinon réel). Il était nécessaire in fine de révéler le trompe-l'oeil, non seulement par égard moral pour le spectateur, mais pour faire jouer à plein sa révélation rétrospective. Il ne s'agit pas de faire croire que "la réalité dépasse la fiction", auquel cas le film serait un faux contestable et un canular condamnable; il s'agit de faire comprendre au spectateur que la réalité là-bas dépasse cette fiction ci. C'est pourquoi la découverte finale ne provoque ni un soulagement (tout ça n'était qu'un jeu!), ni non plus l'indignation d'avoir été joué par une douteuse plaisanterie, mais un malaise conscient de "l'extension du domaine de la lutte."2

De son côté, le réalisateur Lionel Soukaz, fut longtemps le seul à donner quelques précisions quant à la réalisation de ce court métrage, à travers une autobiographie succincte, axée sur le cinéma. Au cours du temps et des mots, il explique:

"Par Actuel et ses petites annonces, je me retrouve dans des associations et deviens projectionniste au Festival Super 8 du Ranelagh en 19733. Je me souviens de Chris Marker amenant, un soir, les rushes de son film tourné à Paris mais qui faisait croire à un tournage à Santiago du Chili pendant le coup d'Etat de Pinochet et de la C.I.A. contre Allende. Je coupai et collai selon ses directives puis projetai le film encore tout frais. Ce jour-là pour moi fut l'invention du cinéma."4

Parmi les interprètes, on trouve la pionnière de la vidéo féministe, Carole Roussopoulos (et son mari Paul), qui tourna cette même année deux films sur la longue grève survenue à l'entreprise LIP, LIP: Monique et LIP: La marche de Besançon, alors que Marker réalisait de son côté Puisqu'on vous dit que c'est possible.

Notons par aileurs, qu'en 1974, Raoul Ruíz réalisait le film Dialogue d'exilés sur une thématique très similaire.

Depuis les informations de Soukaz ont connues un complément à l'occasion de la rétrospective consacrée en 2013 à Chris Marker par le Centre Pompidou: "Planète Marker". La revue Vertigo publie alors le commentaire dans son numéro spécial d'octobre 2013, avec une brève introduction dont on retiendra ceci: le fondateur du Festival Super 8 de Ranelagh, Jérôme Diamant-Berger propose à plusieurs réalisateurs, dont Marker, de tourner un court-métrage en quinze jours, prêtant toute sorte de matériel Super 8. Marker demande alors la caméra la plus simple, "l'automatique Kodak XL340 et de la pellicule muette". Il réunit des amis dans un appartement parisien, dont les Rossopoulos, Florence Delay, Pierre Camus, ingénieur du son à SLON, ou encore le réalisateur Edouard Luntz.

"La voix off est enregistrée à part. Marker travaille à cette époque dans les locaux d'Argos Films d'Anatole Dauman, où il s'est constitué une sorte de laboratoire, mais le film est terminé au Ranelagh même", par Lionel Soukaz, "qui se retrouve à ajouter la piste son et à assembler les plans à l'oeil nu sur une colleuse, selon les directives de Marker, avant la projection"5.

Par ailleurs, dans son entretien accordé à Jean-Baptiste Para, collecté à l'occasion de "Planète Marker", Florence Delay (la voix off de Sans soleil) donne d'autres précisions sur la réalisation du film:

"Dans l'appartement parisien du peintre Roberto Matta, Chris Marker convoque un dimanche matin un certain nombre d'amis. Il nous demande simplement d'entrer, de déposer nos manteaux et de regarder la télévision. Nous voici donc en train de regarder des programmes imbéciles sur le petit écran. Il nous filme, l'étrange séance prend fin, il nous remercie et chacun s'en va. Ce film devient L'ambassade, c'est-à-dire une ambassade de France dans une capitale d'Amérique latine où vient de se produire un coup d'État. Effectivement, nos airs hébétés devant la télévision peuvent fort bien traduire la stupéfaction d'apprendre la tragédie en cours à Santiago du Chili. Je n'ai pas revu le film, je ne me souviens plus du commentaire, mais je sais qu'à la fin il y a, très furtivement, un plan de la tour Eiffel. Or personne ne le voit, parce qu'on se sent en Amérique du Sud. En visionnant le film, j'avais été très surprise, parce qu'à aucun moment il ne nous avait dit que nous étions censés regarder des évènements dramatiques. Même sur un sujet grave, la part ludique était présente."6

Par ailleurs, en octobre 2011, Chris Marker est revenu sur sa réalisation de L'ambassade, à travers un courriel:

"Paradoxalement le seul film directement relié à la tragédie chilienne est celui où le Chili n’apparaît pas, L’ambassade. Encore que l’ingénuité de certains spectateurs ait entretenu l’ambiguïté, du genre “Tiens, on ne savait pas que Marker était là au moment du coup”, ou la plus étonnante “Tiens, on ne savait pas qu’il y avait une tour Eiffel à Santiago”... Le tournage s’est déroulé sur le principe de l’expérience de Kulechov, c’est-à-dire que j’ai réuni un certain nombre d’amis dans le seul lieu connu de moi qui pouvait passer pour une ambassade (l’appartement de Lou, la femme de Wilfredo Lam, qu’on voit jouer la maîtresse de maison) et que je les ai laissés parler de choses et d’autres, sans aucun rapport avec les événements, sachant que n’importe quelle expression appuyée sur un texte orienté devient l’expression correspondant à ce texte. Le seul moment où le vrai Chili rattrape la fiction est celui où ils regardent la télévision. Il y avait plusieurs réfugiés chiliens parmi mes invités, je leur ai passé un reportage sur les premiers jours de la dictature, et on voit leurs réactions en direct. Pour le grand débat idéologique final, j’avais pris soin de mettre côte à côte un camarade très pro-israélien et un farouche militant pro-palestinien. C’est là-dessus qu’ils s’engueulent, et à l’image ça devient un très crédible accrochage entre communistes et gauchistes. Je n’ai “mis en scène” que quelques moments de la vie supposée de cette ambassade"

Carolina Amaral de AGUIAR, "Chris Marker: un regard sur le Chili", Cinémas d’Amérique latine, n° 21 (2013), p. 17-21

Générique (reconstituée et fragmentaire)
Réalisation, images et scénario: Chris Marker
Montage: Lionel Soukaz (en tout cas la 1ère version)
Interprètes (liste non exaustive): Paul et Carole Roussopoulos, Roberto Matta?, Florence Delay etc.
Voix off: n/a
Production: E.K.F.
Distribution: Films du Jeudi

Commentaire / scénario: L'avant-scène cinéma, n° 606 (10/2013), p. 72-85; Vertigo, n° 46 (octobre 2013), p. 89-92.


L'Ambassade CH2_2013.pdf


Notes
1 La première fiction n'est autre que La jetée, trop souvent considérée à tort, encore aujourd'hui, comme la seule fiction de Marker. L'ambassade est la deuxième. Il faut encore ajouter Level Five, dans laquelle Catherine Belkhodja interprète le rôle de Laura, même si le film intègre de nombreuses images d'archives et prend la forme d'un documentaire.
2 L'épreuve à l'écran: essai sur le documentaire de réalité documentaire, Bruxelles: de Boeck Université, 2000, p. 305
3 Le réalisateur Jérome Diamant-Berger fonda, en hommage à son grand-père, "le Festival du Super 8 en 1973, où, pour la première fois, étaient projetés des films amateurs sur grand écran, le tout pendant trois semaines, et la salle ne désemplissait pas..."
4 Lionel Soukaz, "Laisser faire la lumière et voir dans le noir", in Nicole Brenez / Christian Lebrat, Jeune, dure et pur! Une histoire du cinéma d'avant-garde et expérimental en France, Paris: Cinémathèque Française / Mazzotta, 2001, p. 420. Le Ranelagh est théâtre privé parisien dans le 16ème arrondissement de Paris.
5 Luc Chessel, "L'ambassade", Vertigo, n° 46 (10/2013), p. 89.
6 Jean-Baptiste Para, "Chris Marker. Le rêve des fuseaux horaires réconsiliés. Entretien avec Florence Delay", Europe, n° 1014 (10/2013), p. 320.

Bibliographie

  • (FR) Vincent TOLÉDANO, "Caméras politiques: interventions militantes", Le monde diplomatique, 08/1980, p. 23  (web)
  • (FR) Gérard COLLAS, "Le sourire du chat", Images documentaires, n° 15 (1993), p. 23-28  (web)
  • (IT) Jean-André FIESCHI, "Un film trovato in un'abasciata", in Bernard EISENSCHITZ (dir.), Pesaro film festival 1996. Chris Marker, Roma: Dino Audino Editore, 1996, p. 40-41
  • (FR) Jean-André FIECHI, "L'ambassade", Trafic, n° 19 (1996), p. 73-74
  • (FR) Lionel SOUKAZ, "Laisser faire la lumière et voir dans le noir", in Nicole BRENEZ / Christian LEBRAT (éd.), Jeune, dure et pur! Une histoire du cinéma d'avant-garde et expérimental en France, Paris: Cinémathèque française / Mazzotta, 2001, p. 420
  • (FR) Cyril BEGUIN, "Des images en sursis. L'ambassade  de Chris Marker", in Philippe DUBOIS (dir.), Théorème 6. Recherches sur Chris Marker, Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2006, p. 158-165
  • (GB) Michael R. MOSHER, "The sixth side of the Pentagon  by Chris Marker and François Reichenbach; The embassy  by Chris Marker", Leonardo, vol. 41, n° 5 (2008), p. 519-522  (web)
  • (FR) Arnaud HÉE, "L'ambassade  de Chris Marker", Bref, n° 103 (2013), en ligne  (web)
  • (FR) Carolina Amaral de AGUIAR, "Chris Marker: un regard sur le Chili », Cinémas d’Amérique latine, n° 21 (2013), p. 17-21  (web)
  • (FR) Luc CHESSEL, "L'ambasse", Vertigo: revue de cinéma, n° 46 (10/2013), p. 89-92  (web)
  • (FR) Laurent AKNIN, "L'ambassade", L'avant-scène cinéma, n° 606 (10/2013), p. 72
  • (FR) Carolina Amaral de AGUIAR, "Le coup d'état du Chili vu depuis la France: analyse de L'ambassade  (1974) de Chris Marker", in Victor BARBAT / Catherine ROUDÉ (éd.), De l'unité populaire à la transition démocratique: représentations, diffusions, mémoires cinématographiques du Chili 1970-2013 (actes des journées d'étude Paris, 09-10/10/2013), Paris: s.l., 10/2013, p. n/a  (web)
  • (GB) Douglas MESSERLI, "Chris Marker, L'ambassade  (The embassy)", Worls cinema review, 02/08/2017, en ligne  (web)
  • (PT) Yurie YAGINUMA / Aline DIAS, "L'ambassade, um filme anônimo e re-encontrado", Farol, ano 15, n° 20 (inverno 2019), p. 49-57  web)
  • (GB) Lou SVAHN, "L'ambassade  1973", newmedia-art.orgs.d., en ligne  (web)
  • (FR) Thomas LALIRE, "Chili 1973: l'ambassade de France n'en finit pas de livrer ses secrets", Cause commune: revue d'action du PCF, n° 16 (03-04/2020), en ligne  (web)

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La pseudo-société

1978 - France? - n/a - n/a - n/a
Lors de nos recherches, nous avons trouvé la mention de ce film, intitulé La pseudo-société  dans une critique sur Le fond de l'air est rouge  parue dans le journal hollandais Leusder Krant (10e année, n° 8 (25/05/1978), p. 23), ainsi que dans la notice biographique publiée  dans Dokumentaristen der Welt in den Kämpfen unserer Zeit, sous la direction d'Hermann Herlinghaus (1982, p. 523-524). Aucune autre mention ou information concernant ce film n'a été retrouvée sur le web ou auprès des maisons de productions que sont ISKRA, Argos Films ou les Films du Jeudi. Faute de mieux, nous plaçons donc ce titre dans la série des courts-métrages, hypothèse la plus probable, en attendant de trouver plus d'éléments. Il se pourrait qu'il s'agisse des courts-métrages Nouvelle société, produit par SLON/ISKRA, mais sans certitude.


Leusder Krant, 25/05/1978, p. 23



Dokumentaristen der Welt, 1982, p. 524

Junkopia

1981 - France - 6' - Super 8 - Couleur
Lors de sa diffusion sur la chaîne télévisée française La sept (Unité cinéma / Hélène Mochiri), Junkopia  a été précédé par une courte introduction intitulée Le court métrage roi. Anatole Daumann, Autours de Chris Marker, mélange de voix off et de titrage, dont voici la teneur:

"Chris Marker est cinéaste. Il est aussi photographe, écrivain, journaliste, vidéaste, directeur de collection, essayiste, (cinéma). Anatole Dauman est producteur. Il a produit 9 films auxquels Chris Marker a collaboré, dont Junkopia, Chris Marker, 1981. En 1959, Chris Marker avait rêvé d'un film sur l'Amérique, mais c'est resté un film imaginaire: L'Amérique rêve1, qui aurait commencé à San Francisco... 22 ans plus tard, près de San Francisco, Chris Marker filma la plage d'Emeryville où des artistes laissent, à l'insu de tous, quelques signes fabriqués avec ce que la mer abandonne. La même année, Agnés Varda tournait Mur Murs, sur les murs peints de Los Angeles... Chris Marker déclarait à propos de son long métrage de 4h, Le fond de l'air est rouge (1977): "J'ai essayé pour une fois (ayant en mon temps passablement abusé de l'exercice du pouvoir par le commentaire-dirigeant) de rendre au spectateur, par le montage, son commentaire, c'est-à-dire, son pouvoir." Justement Junkopia ne comporte pas de commentaire, mais dure 6 minutes."

Ce court métrage mêle effectivement images d'oeuvres d'art sur une plage et musique électronique du maestro français, sorte de bidouillage sonore mixé avec des enregistrements de voix issue de radio-cibi, le tout dans un esprit très futuriste et en parfait écho avec les impressions offerte par les oeuvres montrées.
Blindlibrarian, principal instigateur du site officiel www.chrismarker.org, donne des pistes intéressantes à ce sujet:

"This style of sound painting recalls Holgar Czukay and David Sylvian's Plight and premonition and Biosphere's Substrata – ambient atmospherics integrating radio wave sampling that Marker's otherworldly sonic backdrops predate by a long shot (watch La jetée  someday with your eyes closed :>)."

Générique (dans l'ordre d'apparition, début)
"Argos Films présente"
[titre] "Par 37°45' de latitude nord..."
[titre] "In latitude 37°45' north..."
[titre] "et 122°27' de longitude ouest..."
[titre] "and longitude 122°27' west..."
(fin) "JUNKOPIA"
"Filmé à San Francisco / en Juillet 1981 / par"
"Filmed in San Francisco, / July 1981, / by /"
"CHRIS. MARKER / FRANK SIMEONE / JOHN CHAPMAN"
"Effets Spéciaux - Special effects
MANUELA ADELMAN / TOM LUDDY / SARA STRÖM"
"Voix - Voice / ARIELLE DOMBASLE"
"Mixage / MICHEL COMMO"
"Labo LTC / Audi ANTEGOR / Générique SERIA / Visa n° 54826 © Argos Films 1981"
"Spécial Thanks to / ZOETROPE STUDIOS"
[Musique: Michel Krasna (alias CM)]
César du meilleur court métrage documentaire 1983
Distribution: Tamasa [pour Argos Films]

Commentaire / scénario: non édité [muet]

Notes
1 Dans Commentaires 1, Paris: Le Seuil, 1961, p. 80-113 [Première version de L'Amérique insolite (1960) de François Reichenbach]. En fait, ce film existe et n'est autre que la première version de L'Amérique insolite  refusée par Reichenbach car trop négative. La seule copie connue est conservée par Les Films du Jeudi, mais n'est pas distribué pour cause de droits.

Bibliographie

  • (PT) Thaiz Araújo FREITAS, "Espaços imaginados, tempos remotos: o mar trouxe um mundo", Zagaia, 15/10/2020, en ligne  (web)

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Getting away with it

1989 - GB - 6'45'' - 16 mm - Couleur
Chris Marker a réalisé un vidéo-clip pour la chanson Getting away with it  du groupe anglais Electronic, composé de Bernard Summer du groupe New Order, de l'ex-guitariste des Smiths, Johnny Marr, et du chanteur des Pet Shop Boys, Neil Tennant. Le single et le vidéo-clip sortent en décembre 1989 en Europe.
Pour ce qui est de la composition du morceau et de sa distribution, on se réferera à la page Wikipedia anglaise (web), très bien documentée et suffisament claire. On retiendra cependant qu'il existe plusieurs versions de ce morceau pour les marchés anglais et américains, de durées variables, qui ont entraîné la réalisation d'au moins trois vidéo-clips (voir le "Track listings" ci-dessous).
Le premier vidéo-clip de 1989 est produit par Michael H. Shamberg. Une connaissance de Marker, pour lequel il réalisera, en 1997, des images infographiques intégrées au long métrage Souvenir. Pour le vidéo-clip d'Electronic, Marker choisit d'intégrer en contrepoint des images du groupe interprétant le morceau en studio, des images d'animaux (émeux, aras, marsupiaux...) déambulant librement dans un parc d'Île de France, ainsi que des images de Catherine Belkhodja se promenant dans le même lieu. Celle-ci apparaît écoutant la chanson à l'aide d'un walk-man, tout en chantant simultanément les paroles. À noter que quelques unes de ces images se retrouveront dans Level Five  (1996). 
Quoiqu'il en soit, cette version originale a été mutilée de toutes les images d'animaux (version "cut"), à l'exception d'un ara, à la demande du groupe qui n'a semble-t-il pas trop apprécié ces inserts, reniant l'idée et la réalisation de Chris Marker, et réduisant la durée du vidéo-clip à 4'23''. En fait, en octobre 2007, le producteur Michael H. Shamberg en explique plus concrètement la raison sur un de ses sites web: Kinoteca.net. En fin de la page consacrée au single "Cristal", de l'album Get ready  (2001) de New Order, qu'il produit, il précise: 

"If the woman had been a young model, Bernard would have been happy. He was pretty upset with me. This reminded me of the “Getting Away With It” video for Electronic. I had Chris Marker direct. Bernard thought the woman looked like a junkie or such. It is a beautiful video with Johnny Marr and guest Neil Tennant (Pet Shop Boys) joining Bernard in the studio at Abbey Road inter-cut with a woman walking through a forest listening to and singing along to the song. In retrospect Bernard was right. I failed as a producer by not insisting on someone much younger for the MTV audience. I still like the video a lot. And I am told that Neil Tennant liked it as well. "

Aussi, à la suite de ces mauvaises appréciations par certains membres du groupe, un deuxième vidéo-clip est tourné aux USA en 1990, plus conforme aux critères esthétiques de la chaîne MTV et de son jeune public, quoique tout aussi soporiphique. Summer et Tennant y apparaissent simultanéement sur des fonds colorés ou en surimpression, avec une série d'effets très années 1980. Le tout est agrémenté de visages en gros plan d'une jeune femme, d'un bébé, ou encore des artistes jouant de leur instrument (en particulier le solo de guitare de Johnny Marr), seul repéchage des images tournées pour le premier vidéo-clip.
Enfin, en septembre 2006, une troisième version voit le jour et apparaît dans le coffret CD-DVD Get the message, première compilation du groupe Electronic. Ce nouveau vidéo-clip est assez rare et difficile à visionner aujourd'hui. Catherine Belkohodja nous a parlé d'une version colorisée, sans plus de précision. À moins qu'il ne s'agisse de la version longue (12') que l'on peut voir sur Youtube et dont le vidéo-clip est un mix des deux premiers.

Quoiqu'il en soit, la version de Chris Marker a été intégrée à son installation Zapping zone, conservée au Centre Pompidou, à Paris.

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(Track listings de Getting away with it  d'Electronic - Wikipedia (GB))

Getting away with it
(Bernard Sumner - Johnny Marr - Neil Tennant)

I've been walking in the rain just to get wet on purpose
I've been forcing myself not to forget just to feel worse
I've been getting away with it all my life (getting away)
However I look it's clear to see
That I love you more than you love me
I hate that mirror, it makes me feel so worthless
I'm an original sinner but when I'm with you I couldn't care less
I've been getting away with it all my life
Getting away with it all my life
I thought I gave up falling in love a long long time ago
I guess I like it but I can't tell you, you shouldn't really know
And it's been true all my life
Yes, it's been true all my life
I've been talking to myself just to suggest that I'm selfish
(Getting ahead)
I've been trying to impress that more is less and I'm repressed
(I should do what he said)
Getting away with it...

Générique
réalisation: Chris Marker
interprétation: Catherine Belkhodja et le groupe Electronic
production: Michael H. Shamberg
Cascando Studios
RX: 25 novembre 1989

Distribution: non distribué (contacter les héritiers de Michael H. Shamberg)

Commentaire / scénario: (voir texte ci-dessus)

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Le 20h dans les camps

1993 - France - 27'' - Hi 8 - Couleur
Le 20h dans les camps, réalisé à l'origine pour l'installation Zapping Zone, évoque une expérience que Marker qualifie d'unique et de fragile: la création, par un atelier de jeunes réfugiés originaires de Bosnie-Herzégovine, d'une télévision pour réfugiés, habitants du camp de Roska, afin de tenter de lutter contre leur repli sur eux-mêmes, leur coupure du monde extérieur.
Les émissions sont faites dans des conditions artisanales. Chacun s'occupe de tout, les réalisateurs travaillent dur, ils n'ont pas de formation préalable, mais une forte envie de communiquer et une croyance en l'image comme moyen de lutter contre l'oubli. Ils puisent les images sur quatre chaînes satellites qu'ils proposent en confrontation si celles-ci ne disent pas la même chose.
Le 20h dans les camps  se révèle être une véritable leçon de journalisme, ou de ce qu'il devrait être, à l'image du documentaire fleuve de Marcel Ophuls: Veillées d'armes  (1994).

Bibliographie:

  • (FR) Gaëtane LAMARCHE-VADEL, "À contre-courant, Chris Marker", Multitudes, vol. 61, n° 4 (2015), p. 122-128  (web)

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Tchaika (vidéo haiku)

1994 - France - 1'29'' - Beta sp - Couleur
Premier élément de la série "Trois vidéo haikus", Tchaika, soit "goéland" ou "mouette" en russe, consiste en un montage de quatre plans de la Seine, à Paris, pris depuis la rive droite, dont trois avec le Pont Neuf, traversés par le vol de mouettes. Jouant sur les noir/blanc, Marker fige, dans le dernier plan, une partie de l'image, suspendant le vol d'une des mouettes, alors que la Seine continue son cours et que les autres mouettes poursuivent leur vol dans une sorte d'étrange harmonie.

Générique n/a

Distribution: Films du Jeudi

Commentaire / scénario: non édité (muet)

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Owl gets in your eyes (vidéo haiku)

1994 - France - 1'10'' - Beta sp - Couleur
Deuxième élément de la série "Trois vidéo haikus", Owl gets in your eyes  consiste en un gros plan de Catherine Belkhodja, assise et fumant une cigarette avec manière, sur lequel Marker superpose, tour à tour, deux séquences prises en studio, d'une chouette en vol, les ailes grandes déployées. À noter que cette vidéo a probablement été tournée lors de la préparation de l'installation Silent Movie  (1995), qui a aussi pour interprète principale Catherine Belkhodja.

Générique n/a

Distribution: Films du Jeudi

Commentaire / scénario: non édité (muet)

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Petite ceinture (vidéo haiku)

1994 - France - 1' - Beta sp - Couleur
Petite ceinture  est le dernier élément de "Trois vidéo haikus". Il s'agit d'un "hommage aux frères Lumière", comme l'indique un carton en début de film. Le carton suivant explique le pourquoi:

"Comme chacun sait, les opérateurs des frères Lumière disposaient d'une minute pour fixer un évènement de la vie quotidienne". Enfin, un troisième carton, explique le comment: "Paris, mai 1994 / Travaux sur la Petite ceinture".

Marker choisit un plan fixe, légèrement colorisé, en légère plongée, de la double voies de ligne de chemin de fer de 32 km, dont une partie a été intégrée à la ligne C du RER en 1988.
Dans un quatrième carton, explique en guise d'épilogue que: "En raison des travaux, aucun train ne passe plus sur cette voie."
En fait, cette voix jouxte son studio-appartement dans un bâtiment appartenant aux Costa-Gavras, dans lequel logeait aussi les Kassovitz.

Générique n/a

Distribution: Films du Jeudi

Commentaire / scénario: non édité (muet)

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Casque bleu

995 - France - 25'20 - Beta sp - Couleur
Diffusé à 20h, sur Arte, le 2 octobre 1995 et présenté dans l'exposition Face à l'Histoire au Centre Georges Pompidou en 1996, Casque bleu1 est un témoignage, le témoignage franc et direct d'un jeune conscrit (aujourd'hui directeur d'hôpital) qui, plutôt que de perdre son temps sous les drapeaux (au temps où cela était encore une obligation), a préféré s'engager en 1994 comme Casque bleu pour partir en mission six mois en Bosnie, durant la guerre de Yougoslavie (1991-2001). Les raisons de ce choix, comme nous l'explique simplement le personnage au début du film, sont multiples et en somme toutes valables: voir, vivre une expérience, être utile, gagner plus d'argent, "échapper à l'enfer de la caserne»", etc.
Après six mois dans la poche de Bihac, François Crémieux est de retour en France. Quel bilan peut-il tirer de son expérience? Que reste-t-il de ses attentes, de ses projections, de ses fantasmes d'avant départ? L'expérience a-t-elle été positive ou négative? À quoi ça sert finalement un Casque bleu?
Crémieux raconte, plus qu'il ne se raconte. Marker enregistre simplement une voix en filmant en gros plan le visage de ce témoin d'une éloquence rare, qui sait non seulement dire, mais qui a quelque chose d'intéressant à dire. De ce fait, Marker peut s'effacer presque totalement pour laisser la place à cet autre. Ainsi, écrit Nathalie Mary dans Bref:

"Le geste de filmer se résume à un seul regard, s'opposant par cette simplicité même à toute manipulation propagandiste largement pratiquée dans les journaux télévisés ou à l'élaboration d'une fiction sécrétant maladresses et ambiguïtés."2

Avec le procédé du "talking head" (tête parlante) employé ici par Marker et très décrié dans le milieu cinématographique3, il est "impossible de détourner les oreilles et les yeux en faveur d'une vérité plus douce ou plus accommodante. La parole nous enjoint à (tout) écouter et sa troublante puissance résulte autant de son contenu, que de la manière dont elle se livre."4
Mais c'est peut-être Arnaud Lambert qui exprime le mieux la raison de l'effacement de Marker et la place de Casque bleu  dans sa filmographie.

"Le recours massif aux témoignages est un élément caractéristique de la cinématographie markerienne de ces vingt dernières années. Il doit être abordé sous l'angle de l'interlocution et du dialogue. Le témoin qui décrit et partage son expérience s'adresse à nous. C'est ce qui rend sa présence intimidante - accablante: visage ou regard qui témoigne, mais aussi questionne. Le témoin suppose toujours un auditoire - le spectateur, mais aussi l'historien, l'instructeur, le juge. Auditoire qu'il renseigne et bouleverse tout à la fois, qu'il interpelle; le témoignage est un discours transitif (le témoin prend à témoin). De fait, le témoignage traverse l'écran (le film, l'auteur) et se répand comme un cri. La parole filmée, le filmage du témoignage serait ainsi, pour Marker, un moyen de s'effacer, d'abdiquer la posture surplombante qu'on lui a si fréquemment reprochée, et de n'être plus, par ce retrait, qu'un médiateur ou un passeur (stalker)  d'expérience, d'histoires, d'Histoire."5

En effet, avec Le joli mai, premier film "d'interviews" de Marker, ce dernier s'est vu reprocher d'avoir, par son montage et les questions posées, ridiculisé, voire trompé, les personnages qui témoignaient et s'exprimaient devant sa caméra avec la plus grande sincérité et un brin de naïveté. Chris Marker y était, en somme, trop présent, même s'il n'apparaît pas à l'écran. Pierre Lhomme s'est expliqué depuis à ce sujet.
Dans le cas de Casque bleu, c'est l'inverse. L'interview est fragmentée en 19 sections plus ou moins chronologiques: "Raisons", "Images", ""Briefing", "Histoire", "Bousniouks", "Agresseur", "Mission", "Motivation", "Engagés", "Obéissance", "Chiens", "Guerre", "Mort", "Demi-tour", "Politique", "Mensonge", "Positif", "ONU", "Bilan". Le montage est simplifié à l'extrême. La voix de Marker, les questions, sont coupées. Casque bleu, c'est François Crémieux, son visage, sa voix et quelques photos "souvenir" saisies lors de sa mission. La place de Marker se limite donc volontairement aux cartons des 19 sections, mais aussi et surtout à la transmission. Quelqu'un à quelque chose à dire, Marker lui donne la possibilité de s'exprimer, comme il l'a fait pour les ouvriers de Mai 68 ou pour les jeunes réfugiés bosniaques du 20 heures dans les camps, suivant encore et toujours le modèle de l'expérience du ciné-train de Medvedkine.
Si on replace ce film, dans la filmographie de Marker, il entre pleinement dans sa vision de ce que devrait être la télévision. Détour Ceauscescu  (1990) est une critique acerbe et sans concession du Journal télévisé. Le 20 heures dans les camps  (1993), au contraire, montre ce que pourrait être un Téléjournal "objectif" et "utile", bien loin du divertissement actuel proposé sur toutes les chaînes télévisées. Casque bleu, tout comme le fera Un maire au Kosovo  (2000), co-réalisé avec François Crémieux, propose un exemple de ce que DEVRAIT ÊTRE un "vrai" et bon reportage sur la guerre, tel que devrait le pratiquer les journalistes et les rédacteurs en chef des "news" télévisuelles3, à l'image de ce que fera Marcel Ophuls dans son documentaire, devenu film de référence: Veillées d'armes (2006). Plutôt qu'une mise en scène montrant un journaliste "sur" les lieux de la guerre, recrachant les informations officielles données lors des conférences de presses, le tout fragmenté par d'innombrables plans de coupe, toujours plus lâches, car cherchant à provoquer l'émotion rapide (cadavres, femmes qui pleurent, enfants mutilés...), offrir un seul visage qui dit directement aux spectateurs son expérience, sans tricherie, sans fioriture, sans valorisation d'un tiers quelconque.
Le résumé de Catherine Blangonnet, dans l'introduction du n° 22 de la revue Images documentaires: la parole filmée  décrit parfaitement la situation, en ces mots:

"À travers les articles rassemblés ici, c'est une critique de la représentation de la parole à la télévision et une réflexion sur le statut de la parole et du témoignage au cinéma et à la télévision qui est proposée. / Il ne s'agit pas "d'ajouter de la parole à la parole ambiante", nous dit Jean-Louis Comolli, mais de travailler à "faire entendre" le point de vue des gens sur ce qu'ils vivent. Cette parole est confisquée à la télévision par les journalistes et les hommes politiques. Pierre Bourdieu a bien montré que même quand elle descend dans la rue, la télévision ne recueille auprès des individus qu'un discours d'emprunt, celui que chacun sait que les journalistes veulent entendre. Le témoignage est recueilli à chaud, c'est-à-dire avant que les personnes interrogées aient eu le temps de se forger une opinion."

Avec Casque bleu, Marker, en plus d'offrir un témoignage fort sur un pan mal connu de l'histoire occidentale récente, donne avant tout et surtout une magistrale leçon de journalisme et de cinéma.

Générique (fin, ordre d'apparition)
Témoignage de François Crémieux
recueilli par Chris Marker
production: Point du jour
Distribution: Films du Jeudi
Commentaire / scénario: non édité


Notes
1 Egalement intitulé "Confession d'un casque bleu: témoignage" ou "Témoignage d'un casque bleu".
2 Nathalie Mary, "Témoignage d'un casque bleu  recueilli par Chris. Marker", Bref, n° 28 (printemps 1996), p. 30
3 "L'expression anglaise Talking Heads (les têtes parlantes) est employée généralement dans un sens péjoratif comme une forme particulièrement paresseuse de faire du cinéma" (Catherine Blangonnet, "Introduction", Images documentaires, n° 22 (1995), p. 9). Avec Casque bleu, Chris Marker montre que l'on peut très bien offrir une "tête parlante" durant 26 minutes et proposer aux spectateurs un film intelligent et utile.
4 Nathalie Mary, op. cit.
5 Arnaud Lambert, Also Known as Chris Marker, Paris: Le Point du Jour, 2008, p. 155
6 En contrepoint au témoignage de François Mérieux, on lira celui du sergent Thomas Goisques, engagé volontairement dans les Casques bleus de Bosnie, devenu depuis journaliste-reporter (http://www.thomasgoisque-photo.com).

Bibliographie

  • (FR) Guy LEGRAND, "Casque bleu: un document captivant", La Vie, n° 2'613 (28/09/1995), p. n/a  (web)
  • (FR) Dominique SIMONNOT, "Confession d'un Casque bleu, témoignage. Le blues d'un Casque bleu. En Bosnie, François Crémieux pensait pouvoir "faire quelque chose"", Libération, n° n/a (02/10/1995), p. n/a  (web)
  • (FR) anonyme, "François Crémieux. Casque bleu à Bihac", Télérama, n° 2'388 (18/10/1995), p. n/a
  • (FR) Nathalie MARY, "Témoignage d'un Casque bleu, recueilli par Chris. Marker", Bref, n° 28 (printemps 1996), p. 30
  • (FR) Isabelle REGNIER, "DVD: La trilogie des Balkans, l'ex-Yougoslavie vue par Chris Marker", Le monde, n° n/a (08/06/2016), en ligne  (web)

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Stephan Hermlin

1997 - France/Allemagne - 11'29 - vidéo - Couleur
Ce court métrage est un portrait de l'écrivain allemand Stephan Hermlin, réalisé à partir des rushes tournés pour Berliner Ballade  (1990). Chris Marker, à la demande de l'émission Metropolis sur Arte, reprend l'interview qu'il avait filmée à la suite de la chute du mur de Berlin et offre un hommage, tout autant qu'un éclairage, de l'écrivain de l'ex-RDA, à la suite de son décès survenu le 6 avril 1997.
Ce documentaire a été diffusé pour la première fois le 27 septembre 1997, sur Arte, dans la section "Partis-pris" de Métropolis.
Le Larousse  donne la biographie suivante du poète allemand:

"Fils de grands bourgeois juifs, il devient communiste (1931) et résiste aux nazis (1933-1936). Exilé, il s'engage en Espagne contre Franco, puis vient en France. Il traduit son expérience dans des poèmes classiques inspirés de Hölderlin (1945). Établi à Berlin-Est (1947), auteur de récits, de poèmes, d'essais (Lectures, 1974) et d'une autobiographie (Crépuscule, 1979), il croit en l'édification du socialisme. Mais après 1956, son refus du stalinisme l'éloigne du régime. La R.D.A. officielle faisait son éloge tout en s'en méfiant; il est néanmoins resté fidèle à son engagement communiste."

Générique ("Métropolis. Parti pris /Ansichtssache: Stephan Hermlin", commence à 45'40 du magazine et s'achève 57'15)
(générique en fin de magazine: 57'58)
Berliner Balade
Pour Juju
...
Eindrücker Festgehalten von / Un témoignage recueilli par Chris Marker"
(c) KMS
...
(c) La Sept / Arte 1997

Distribution: non distribué (production Arte)

Commentaire / scénario: non édité

Bibiographie:

  • (FR) Arnaud LAMBERT, "Trous noirs (à propos de Chris Marker)", L'observatoire: projections recherches cinéma, 01/02/2007, en ligne  (web)

Stephan Hermlin CH2_2013.pdf


E-CLIP-SE

1999 - France - 8'32'' - vidéo - Couleur
À travers E-CLIP-SE  (ou plus exactement ECLIPSE - CLIP), court métrage en deux segments sans commentaire, Marker s'amuse à relater une éclipse de soleil en filmant adultes et enfants affublés des indispensables lunettes de protection. Le son en prise directe et la musique alternent sur la bande son, rythmant réel et poétique.
Sur le plan formel, bien loin des triturations d'images de la Zone de Sans soleil  (1982), Marker offre une série de portraits, en gros plans, de gens pris sur le vif, en pleine action, sans éclairage particulier ni mise en scène, et qui préfigurent en quelque sorte ses séries de photos à venir, de celle proposée sous le pseudonyme de Sandor Krasna, sur Flickr (2006), à Passengers (2011), en passant par Métrotopia - Quelle heure est-elle?  (2009).
Sur le fond, le constat est non seulement que les adultes sont les seuls vraiment passionnés par l'éclipse, les enfants préférant, et de loin, jouer sur les sculptures d'hippopotames grandeur nature, mais qu'en plus les adultes ne sont pas très futés puisqu'ils essaient de voir une éclipse dans un ciel nuageux, couvert de stratus et autres formes cotonneuses. Chris Marker s'en amuse, avec son ironie habituelle, et montre, avec un humour subtil et non dénué de poésie, l'acharnement et la fascination des humains pour ce phénomène mathématiquement parfaitement prévisible, mais qui en même temps, rare et issue des forces de la Nature, les dépassent.

Générique (fin)
ECLIPSE
CHRIS

Distribution: Films du Jeudi

Commentaire / scénario: non édité [sans commentaire]

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Leila attacks

2006 - France - 1' - DV - Couleur
À vrai dire, Chris Marker lui-même à décrit de long en large son court métrage Leila attacks  dans les Cahiers du cinéma1, à travers un article intitulé "Passage de Leila", écrit à l'occasion de la sortie du film Charly  d'Isild Le Besco, et dont nous reproduisons ici court extrait:

"Tout le monde a éprouvé ce phénomène: lorsqu'un regard est posé sur vous pendant un certains temps, vous le ressentez, physiquement. C'est ce qui m'est arrivé un jour pendant que je travaillais sur mes ordinateurs. Quelqu'un, quelque part, me fixait, et j'avais beau regarder autour de moi, pas le moindre humain en vue. "Humain?" Voilà l'erreur. Comme s'il n'existait pas d'autres regards. C'est en baissant les yeux que j'ai vu cette petite créature dressée sur ses pattes de derrière, toute faraude, et exprimant par le froncement répété de son nez un indiscutable intérêt pour mes modestes travaux. "Qu'est-ce que tu fais là, toi?" - et le temps de poser la question je me souvenais qu'en effet, la fille de ma voisine gardait en cage quatre petites rates. Personne n'a jamais su comment celle qui ne s'appelait pas encore Leila a fait pour s'échapper, mais elle était là."

Le court-métrage ne comporte ni commentaire ni dialogue (et pour cause), mais est agrémenté d'une musique tirée du théâtre asiatique.
On notera que le titrage du générique, composé de plusieurs "cartons", est animé suivant un modèle (ou logiciel) qui servira par la suite aux diaporamas de Kosinki (alias Chris Marker), sur Youtube.
Quant au titre, il fait référence au Mars Attacks!  (1996) de Tim Burton, lui-même se basant sur un jeu de cartes à collectionner de 1962.

Générique (générique du début; les guillemets correpsondent à un carton)
"Superdiferwizagrobis"
"Hyper flush"
"Megastavibluk"
"That's what the press ways about the latest piece by"
"Chris Marker, the best-known author of unknown movies"
"Introducing our new super-hero(ine)"
"Leila"
"Thrill!"
"Action!"
"Suspense..."
"And now:"
"Leila Attacks"
(fin)
"That's all, rats!"

Distribution: Films du Jeudi (seul) ou Tamasa (avec Charly  d'Isild Le Besco)

Commentaire / scénario: non édité [muet]

Notes
1 Cahiers du cinéma, n° 628 (2007), p. 62-63.

Bibliographie

  • Chris MARKER, "Passage de Leila", Cahiers du cinéma, n° 628 (novembre 2007), p. 62-63; réédition: sur poptronics.fr, 15/01/2008, en ligne  (web)

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And you are here

2011 - Royaume-Uni - 4'44 - numérique - Couleur
Dernier opus de Chris Marker à la demande du groupe Damon and Naomi  qui, à l'occasion de leur nouvel album False Beats and True Hearts  (2011), demandèrent simplement à Marker s'il pouvait faire un petit quelque chose pour leur nouvelle chanson And You Are Here.
Le magazine anglais The Wire  raconte l'histoire en ces termes:

"This song is about the way time can compress when you are lost in a memory, something I have learned a lot about from Chris Marker's work – his films (La jetée, Sans Soleil), his writing (Immemory), his photographs.
When the song was finished, I sent it to Chris with a note – since his work had provided inspiration for the song, I wondered, might he in turn have a visual response to it? He sent back this image, with the note:
"Dunno if it fits your pretty Proustian melancholy, but I thought it could... And thanks for linking me to music, the only real art for me as you know (cinema? you kiddin'...)"1

And You Are There
Like the sunlight falling through a fence
The image comes and goes
Memories flickering within me
Where they are I don't know

An orange light, a flash of white
Feel the sun, hear that sound within me

The past is but a moving image
It reappears then disappears
And though I can't understand its movements
It erases all those years


An orange light, a flash of white
Feel the sun, hear that sound within me
And you are there once again

What I carry deep inside me
These feelings come and go
The past I thought was so distant
Flickers like an afterglow
And you are there once again

— Naomi Yang, 2011

Générique (déduit)
réalisation: Chris Marker
paroles: Naomi Yang
musique: Naomi Yang et Damon Krukowski

Distribution: n/a

Commentaire / scénario: (voir texte ci-dessus)

Notes:
1 Dès 1949, la couverture du Coeur net  précisait que Chris Marker: "Aime la radio plus que la littérature, le cinéma plus que la radio, et la musique plus que tout." (cité par Jean-Louis Leutrat, "Le Coeur révélateur", Trafic, n° 19 (1996), p. 67, repris et traduit en anglais par Catherine Lupton, Chris Marker. Memories of the Future, London: Reaktion Books Ltd, 2008, p. 16.
Merci à E.S. pour l'info sur ce clip!

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Casque bleu

(DVD - France)

L'Ambassade, Casque bleu, E-CLI-PSE, 3 vidéos haïkus

(DVD - Espagne)

L'Ambassade, Casque bleu, E-CLI-PSE, 3 vidéos haïkus

(DVD - Iatlie)

Casque bleu

(DVD - UK)

L'Ambassade

(DVD - France)

L'Ambassade

(DVD - USA)

L'Ambassade

(DVD - France)

L'Ambassade

(DVD - USA)

On vous parle de Prague: le second procès d'Artur London

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(Blu-ray - US)

On vous parle de Prague: le second procès d'Artur London

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(DVD - France)

On vous parle de Paris: les mots ont un sens. François Maspero

(DVD - France)

On vous parle du Brésil: Carlos Marighela

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On vous parle du Brésil: tortures

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Dimanche à Pékin

(DVD - Japon)

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